SÉBASTIEN BERTRAND
Les Gens d'Ailleurs
Philippe Cousin
Rien ne prédisposait le jeune Sébastien Bertrand à devenir un jour accordéoniste, résidant en Bretagne, à Lannion. En effet, natif du Liban, il est adopté à l'âge de neuf mois par une famille du marais breton vendéen, une contrée à cheval entre Vendée et Loire-Atlantique.
Oui mais voilà, il a été accueilli dans une famille de musiciens et de collecteurs. Il aurait pu jouer du oud s'il était resté au Liban. En Vendée, c'est vers l'accordéon diatonique qu'il se tourne. Tout jeune encore, il monte sur les planches avec son accordéon au sein d'un groupe folklorique. Rapidement, au gré des campagnes de collectage avec son père, il s’affranchit de la musique traditionnelle et son chemin croise celui de musiciens venus d'horizons musicaux différents. Il assume ainsi son diatonique au collège puis au lycée.
Puis ce sera le Duo Bertrand aux côtés de son oncle Thierry. Un duo inédit associant l'accordéon diatonique et la veuze du pays nantais. Tous les deux, ils publieront deux albums. Avant de s'élargir en Duo Bertrand en Cie qui rassemble des musiciens d'origines musicales diverses. Avec cette compagnie il commence des créations collectives où il explore encore et toujours. Il passe ainsi de la musique traditionnelle qu'il pratique depuis l'enfance, au jazz, de la musique orientale à l’électro, du hip hop au rock, le théâtre, la danse, le cinéma. Tout est pour lui prétexte à découvertes et expérimentations. Il enchaîne les tournées internationales.
A l'âge de 35 ans, un voyage sur sa terre natale sera un révélateur pour lui. Il compose un spectacle autobiographique, "Chemin de la Belle Étoile". Et de ses voyages entre Atlantique et Méditerranée, il résultera l'album "Traversées". Ensuite durant sept ans, il lève le pied, s'installant en Bretagne, se consacrant à sa vie de famille. C'est aussi l'époque où il crée une école d'accordéon diatonique. L'enseignement devenant son quotidien. Et puis voici quelques mois il décide de faire résonner de nouveau les morceaux qu'il a continué à composer et à enregistrer sur son téléphone portable durant toutes ces années.
Il invite trois amis musiciens et vogue la galère. Il y a auprès de lui Delphine Grosseries, violoncelliste et peintre, Julien Padovani qui exerce ses talents au piano, à l'orgue Hammond et à l'accordéon chromatique. Et puis Christine Craipeau, chanteuse mezzo-soprano qui aime accompagner artistes et troupes musicales. Résultat de ces rencontres, l'album "Les Gens d'Ailleurs" sur lequel Sébastien livre un étonnant voyage musical, une musique qui illustre de façon originale les étapes de sa vie. Les neuf titres de cet élégant album racontent la vie d'un homme au destin singulier, à cheval entre deux cultures.
Avec "Clair de Lune" c'est vers les pays de l'Est que nous voyageons avant d’atterrir en Bretagne, dans le petit port de Locquirec, dans "Un café chez Tilly". Avec "La Lune s'endort" qui flâne entre les notes mélancoliques d'un accordéon et d'un piano, on retrouve le jeune Sébastien, gamin adopté qui devenu adulte, n'a pas le souvenir d'avoir rêvé. "La Colline des Cèdres" raconte les bouleversements du monde, des souvenirs de guerre. Étape dans "La Rue des Mésanges" qui accueille le labo sonore où le quatuor s'est retrouvé pour faire naître ce superbe album. Petit hommage au passage au grand accordéoniste Marc Perrone qui a marqué durablement le jeune garçon qu'il était, avec la reprise de la célèbre valse "Vas-y Mimile". Un opus qui s'achève avec "Ne plus rêver d'avoir un jour"... 20 ans, sur une mélodie composée par Julien. Éternelle question que se posent un jour tous les jeunes.
C'est sur ce morceau que se referme cet album original, à l'atmosphère parfois éthérée, arachnéen de place en place, presque énigmatique à certains moments, sorte de bande sonore d'une vie balisée d'ombres et de lumières. Un album tout en nuances, à la fois sensible et attachant.
Labo Sonore – www.sebastien-bertrand.com