Jacques Vassal

Je pourrais, à l’instar de Stan Cuesta qui écrit la préface, dire à quel point les livres et articles de Vassal ont été déterminants dans ma propre démarche. A cette différence près que je suis plus vieux que Cuesta et nettement plus proche de Jacques dont je suivais la trace sur un chemin quasi parallèle. En achetant et lisant Rock & Folk dès le début, me gorgeant de rock, me saoulant de folk. En lisant ses premiers livres dès leurs sorties. Je l’ai déjà écrit : je lisais Folk Song puis La Nouvelle Chanson Bretonne au fond de l’auditoire pendant le cours de droit fiscal qui nous était donné par mon propre père. Il ne fut pas difficile de choisir, peu après, entre le droit et la musique. Pour faire comme Jacques, et ce de diverses manières : communiquer, partager puis transmettre tout ce qui me passionnait et que je tentais de comprendre, de creuser… dans le domaine des musiques populaires. Tout ça pour dire que, pour quelqu’un comme moi, ce livre se lit avec évidence. Je lis le parcours de Jacques et j’y retrouve nombre de traces suivies pas moi-même et mes amis proches. Ce livre est celui de ma génération, de nos découvertes musicales, de nos passions pour une chanson que je qualifie volontiers de concernée. Le tracé chronologique est clair, on avance dans l’histoire de la presse écrite (bon sang où est-elle aujourd’hui ?) autant que dans celle du folk américain, français, anglo-saxon, de la chanson française et de ses courants les plus dignes, du rock, de la poésie, de la littérature… du métier de journaliste, des soubresauts politiques et sociaux…

A tout moment, on se dit « mais bon sang je me souviens de cela ». Et comme Jacques Vassal a toujours été d’une précision rare, chaque moment est daté, chaque rencontre est située. Et l’on croise, au fil des pages, tant de personnages qu’on a soi-même rencontrés par la lecture ou l’écoute, voire en direct. Et l’on aurait tendance à se tourner vers les étagères où sont rangés disques et livres pour réécouter ceci ou relire cela : Vissotsky, Atahualpa Yupanqui, Martin Carthy, John Prine, Judy Collins, le Cuarteto Cedron, Catherine Ribeiro, Richard Desjardins… puis des journalistes comme Fabrice Nicolino, Frank Tenaille… des écrivains comme l’essentiel Jack London ou l’explorateur Jean Malaurie. Et je n’en cite qu’une poignée qui sert simplement à illustrer le foisonnement de rencontres et de passions qui ont enrichi la vie et le métier de Jacques. On a eu de la chance cher Jacques de vivre de tant de rencontres. Et ce livre est un témoignage d’une vie bien sûr mais aussi de la vitalité et de la force de la chanson à travers le monde. En espérant que ce récit attirera aussi un public plus jeune qui cherche à se souvenir (à faire la découverte ?) de Brassens, Brel, Ferré, Cohen, Allwright et tous ceux qui ont poussé la chanson en France ou ailleurs pour partager leurs regards, leurs envies, leurs espoirs ou coups de gueule. Puisse ce livre donner 20 ans aux oreilles de nombreux lecteurs. Et si, comme moi, vous n’êtes guère passionnés par les voitures et motos, pas de panique, Jacques en parle peu et consacre son livre à dame chanson qui en est le personnage principal, le second étant le métier de journaliste. Métier sans doute en danger et que Jacques a pratiqué avec une intégrité qui force le respect. Ce n’est pas anodin parce que ce métier et cette façon de s’y consacrer sont en train de changer. Raison de plus pour lire ce livre.

_{Jacques Vassal: Avoir 20 ans dans les oreilles – Souvenirs, impressions, portraits d’une époque, de quelques musiques et d’autres passions. (Les Fondeurs de Briques, 2025)}