3MA
Anarouz
Etienne Bours
Quand on voit à qui a été décernée la victoire de la musique en musiques du monde, on se dit que, décidément, tous les amateurs de musique n’évoluent pas dans le même univers.
Il est évident qu’une quantité de musiciens du monde produisent sans cesse d’excellents disques et concerts aux quatre coins de la planète. Il est évident aussi, pourtant, que les victoires en question se situent au niveau des majors et du grand marché des musiques et les musiciens qui montent sur le podium prennent la place de ceux qu’ils prétendent mettre en valeur. Les musiques du monde, celles dont nous aimons parler, s’ébrouent sur une quantité de petits marchés bien plus agréables à visiter. Prenez ce nouveau disque du trio 3MA et vous verrez qu’une telle musicalité mérite de multiples prix ou récompenses. Merci à cette Afrique ouverte qui nous donne encore une sorte de félicité musicale dans cet entrelacs de cordes sensibles. Driss El Maloumi et son oud, Rajery et sa valiha, Ballaké Sissoko et sa kora : Maroc, Madagascar et Mali dans une rencontre improbable qui a pourtant déjà fait ses preuves. Les trois musiciens ont de nombreuses activités et ce regroupement était un peu inespéré. On aurait pu croire que les tournées et le disque d’il y a quelques années allaient rester un souvenir remarquable, un moment épinglé dans notre mémoire musicale. Le fait qu’ils ont contribué au très beau travail initié par Jordi Savall sur l’esclavage a donné envie aux trois comparses de refaire un bout de chemin ensemble. Ce nouveau disque en est le fruit. Une fois de plus, on est surpris par tant de musicalité dans la simplicité, ou l’inverse. Les trois instruments dialoguent, chacun dans sa langue mais à l’écoute des autres. Rajery et Driss El Maloumi donnent de la voix ici et là pour ajouter les cordes vocales à celles qui font vibrer les bois, calebasse et bambou. Ces voix arrivent chaque fois à point nommé, accentuant la dimension humaine d’une démonstration musicale qui évite totalement le piège de la virtuosité froide. Et le disque de s’offrir en une longue respiration, calme, élancée, digne. On pourrait leur reprocher de rejouer ici deux pièces déjà présentes sur le premier disque mais l’approche a évolué et c’est une sorte de beauté intemporelle qui se dégage de ces deux grands titres autant que de l’ensemble.
A saisir sachant que leurs routes se sépareront encore !