Aller au contenu
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies notamment pour réaliser des statistiques de visites afin d’optimiser la fonctionnalité du site.
Des mondes de musiques

 En lisant avec gourmandise les articles de 5planètes.com, vous pouvez écouter Canal Breizh, en cliquant sur le logo.

 

 

 

 

 

 

 

Une histoire belge ?

L‘été nous quitte et avec lui s’envolent les festivals, du plus petit au plus grand, de l’événement à taille humaine au mastodonte attirant les troupeaux de la belle saison…

Par Etienne Bours

Ceux qui nous concernent parce que programmant musiques traditionnelles, folk et musiques du monde – soit des musiques avec un ancrage dans une ou plusieurs traditions – se font de plus en plus discrets, rares en certains endroits. A moins qu’ils ne disparaissent pour diverses raisons. Notamment parce que noyés dans la folie des grandeurs, dans le besoin de développement du tourisme, dans la nécessité de remplir les sites énormes et historiques que les élus veulent à tout prix voir déborder jusqu’aux limites des normes autorisées.

Les gros avalent les petits, cachent la belle forêt créée par les jardiniers de toutes les musiques, phagocytent les subventions, les publics, les media… Certains ont créé leur renommée sur l’étiquette musiques du monde mais, à s’y rendre aujourd’hui, on ne trouve ces musiques des quatre coins de la planète que sur quelques petits podiums relégués aux coins des rues, au fond des parcs. Tandis que sur les plus grandes scènes, on programme allègrement de la variété malheureusement insipide même si revendiquant quelque lien en forme d’alibi avec une tradition emballée et pesée au profit d’une recette occidentale. Alors, on voit venir ceux qui, sur le tard, ont découvert l’Afrique Occidentale. Vingt ans après une kyrielle d’artistes de qualité venus du jazz, blues, rock, gospel, soul… et qui, eux, saluaient les racines africaines en leur donnant la parole et non simplement un rôle de figurant ! J’en connais qui s’appelle M. comme malin, comme Mali, comme manipulateur. Pas de mauvais bougres mais de mauvais plans. Dommage et d’autant plus dommage qu’aujourd’hui ils prennent la place de ceux qu’ils prétendent mettre en valeur. Mais, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : certains grands festivals programment d’excellents concerts de musiques traditionnelles sans pour cela se prétendre festivals de musiques du monde. On réserve une soirée à Calypso Rose puis une autre à la musique irlandaise premier cru et on ne joue pas à mélanger les étiquettes.

Anyway, où sont nos festivals ouverts sur le monde et ses musiques d’appellations contrôlées ? Ils existent encore mais gageons qu’ils n’attirent pas les regards de ceux qui devraient être attentifs au point de montrer l’exemple. Nous avons en Belgique un monstre, un ovni. J’ai nommé le festival Tomorrowland. Gigantesque fête bling bling où se pressent des dizaines de milliers de consommateurs venus des cinq planètes. Ils débarquent par charters dans une partie de notre pays qui aime ce qui brille, ce qui sonne et trébuche comme le flouze, comme le pèze, comme l’oseille. Et, croyez-moi, il en faut de l’oseille pour aller se trémousser trois jours durant (et même deux weekend cette année) sur les musiques techno et électro de grands artistes dont la grandeur est directement proportionnelle à la scandaleuse épaisseur du cachet. Mais qu’importe puisqu’on est là pour construire un monde meilleur, celui de demain. Le tout avec l’aide des messages subliminaux de DJ comme David Guetta dont les harangues se résument à des phrases aussi sensibles que « I wanna see your fucking hands » et des milliers de fucking hands s’agitent dans les airs sans oublier de joindre quelques doigts pour former autant de cœurs que possibles. Une merveille de révolution humaine. Alors, à propos de merveille, le premier weekend de ce grand rendez-vous a eu la chance d’être honoré par la visite du roi et de la reine des Belges. Question, sans doute, de cautionner le festival le plus people, le plus libéral, le plus capitaliste de notre pays mais peut-être bien de la planète. Car Tomorrowland n’est plus un festival, c’est une entreprise, c’est un commerce à grande échelle où l’on ne peut afficher ses idées politiques mais où l’on peut agiter le drapeau de son pays dans un magnifique élan de fraternité humaine à quelques centaines (milliers pour certains) d’euros les deux jours. Et ce n’est pas tout parce que ce petit pays amusant a plus d’un tour dans son sac. Le second weekend du festival, notre premier ministre est allé avec sa clique, une pleine patrouille de ministres, se faire quelques beaux selfies jusque sur l’une des scènes, au point de déranger (dit-on) certains artistes (des malotrus sans aucun doute). Et rebelote : le roi, la reine et ensuite le premier dans toute sa splendeur. Voilà donc un festival qu’il est important ! Ils vous diront peut-être qu’ils ont été invités par le festival mais je vous dirai qu’ils y sont allé parce que cet événement draine 180.000 spectateurs ! Pendant ce temps-là, nous avons de petits festivals, des associations, des organisateurs, des programmateurs qui invitent les réfugiés arrivés récemment à venir partager leurs musiques ou qui se cassent la tirelire et le reste à inviter des artistes rares qui s’en viennent démontrer que les cultures musicales du monde jouissent encore d’une merveilleuse diversité qui ne demande que le dialogue. Ces programmateurs-là ont peu de moyens, peu de subventions, peu de soutien, peu de reconnaissance, aucune visite de la part des autorités les plus haut placées. Tout au plus un élu local qui soutient pour de bonnes ou de moins bonnes raisons. Les musiques que nous défendons sont sans doute musiques de résistance, culturellement en tout cas, et ces messieurs dames que l’on nomme roi, reine, président, empereur, premier machin ou grand chose n’y voient guère le reflet de la société qu’ils contribuent à construire et développer avec un aplomb dont un certain Trump n’est jamais que l’étendard. L’exemple est belge mais… c’est bien la naïveté de ce petit pays de se jeter à l’eau sans peur du ridicule… allez donc voir chez vous comment ça se passe. Tiens, le camarade Macron n’a pas, semble-t-il, eu le temps de se rendre dans un grand festival (encore moins dans un petit, CQFD), pourquoi ? Ca n’aurait pas grevé outre mesure son budget maquillage, pourtant. Alors, gageons que le jour où il en visitera un, ce ne sera pas celui du château d’Ars, ni Comboros, ni Eurofonik, pas plus que De bouche à oreille ou les Nuits Basaltiques… Etonnant non ?