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Des mondes de musiques

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Soïg Siberil a définitivement posé sa guitare.

Etienne Bours

Une fois de plus je pleure un musicien qui fut aussi un ami. Aux obsèques de Soïg ce mercredi 9 avril, un millier de personnes se sont rassemblés, ont joué, dansé… en souvenir de cet homme chaleureux, simple, jamais prétentieux, si souvent débordant d’humour. On en connait qui n’ont pas fait le quart de cette carrière et qui se prennent pour de grands artistes. Ce ne fut jamais le cas chez cet homme au talent fou et à la générosité incomparable. Il fit partie de tant de groupes, duo, trio… qu’il n’est guère étonnant de voir tant de monde pour venir lui dire kenavo.

Photo : Eric Legret

Voici quelques mots extraits d’un article que j’écrivis pour 5planètes en 2018 :

A Douarnenez, début juillet 2018, la petite chapelle Saint-Michel sur le Port Rhu a rassemblé quelques poignées d’amateurs attentifs pour un concert de Soïg Siberil. En solo : l’homme, sa guitare et sa verve communicative. Il parle, il raconte, il joue, il partage, il s’amuse et il nous réjouit. Généreusement et musicalement. Il fait chaud dehors mais on est là comme à une veillée au coin du feu. Soïg nous dit l’origine des titres qu’il joue, entre anecdotes amusantes et fond historique, entre récits de rencontres et trajets de la tradition à la composition. Ici ou là, il joue adroitement des pieds pour actionner ces petites machines chères aux guitaristes (et à beaucoup d’autres aussi maintenant), créant quelques boucles qui nous donnent l’impression d’avoir six Beril pour le prix d’un (fallait que je la place, bêtement). Heureusement, il n’en rajoute guère trop ; un seul guitariste de cette trempe nous suffit et son jeu est savoureux, fin, subtil, sans jamais perdre la moindre énergie. Un plaisir d’une heure et demi.

 Simplement, je désirais alors rappeler que la guitare fut prise en main par cette génération de secoueurs de traditions, une génération qui en fit une utilisation brillante, peu importe qu’on aime ou non cet instrument. Et Soïg Siberil s’inscrit, depuis belle lurette, dans cette lignée. Avec un jeu personnalisé pour une musique qui n’a peut-être pas besoin qu’on lui colle une étiquette définitive. Soïg a d’abord écouté les chanteurs du fameux mouvement américain : Guthrie, Seeger… Il a ensuite réalisé que des musiciens comme Doc Watson ou Mississippi John Hurt faisaient avec le même instrument autre chose encore : un autre jeu, d’autres styles… Cheminement quasi obligé à l’époque puisque cet instrument arrivait jusqu’à nous sur les disques de ceux qui lui confiaient leurs expressions. Puis, comme l’avait suggéré Pete Seeger lui-même (voir les éditoriaux sur ce site), nombre de musiciens ont creusé leurs propres terres à la recherche de répertoires à développer selon ces nouvelles tendances. Et Soïg a visité la musique bretonne qui l’inspira en plusieurs groupes, puis vers une démarche en soliste ou en duo et une envie de composer. Il a élargi ses horizons mais il reste vrai qu’il évolue dans les traces de ce mouvement folk. De façon totalement naturelle, en jouant une nouvelle musique qui fait le lien avec l’ancienne, comme un témoin que l’on se passe dans une course relais. Ses excellents « concurrents » bretons en ont fait de même : Gilles Le Bigot, Jean-Charles Guichen, Jacques Pellen, Nicolas Quemener… et tous les autres ! Chacun a bu à la source à sa manière et a concocté un breuvage qui reste pourtant breton. Comme si le filtre de chacun avait réussi à laisser passer un goût reconnaissable.

Et assurément Soïg nous laisse un souvenir impérissable et un sourire inoubliable.

 

 Photo : Myriam Jegat