RENCONTRE STRANGE O'CLOCK
DES MONDES DE BLUES ET D'AFRIQUE METISSÉS
Gérard Viel
Le Blues dans toutes ses esthétiques et l'Afrique avec toutes ses couleurs, c'est le projet artistique du duo de la Manche Strange O'Clock, qui depuis quelques années offre au public un voyage musical et culturel sans frontières. A quelques semaines de la sortie de leur nouvel album, dont 5planetes.com est partenaire, nous les avons rencontrés autour d'une table conviviale et chaleureuse.
Ce duo à l'âme sensible, sensuelle et ouverte sur un monde de musique, à lancé une campagne de financement participatif pour finaliser ce nouveau projet.
Un groupe à suivre et à soutenir :
Qu’est-ce qui a motivé la création du duo Strange O’Clock ?
Cély: deux amis sur la même longueur d'onde musicale ! Nous avons eu plusieurs groupes ensemble avant de former Strange O'Clock; on se connaissait déjà bien, on savait qu'à nous deux ça allait fonctionner... On avait envie de fusionner nos influences, on était raccord sur le style comme sur la façon de composer, ça a sonné comme une évidence.
Quel est le parours musucal de chacun de vous ?
Cély: ça a commencé par un parcours raté! : à 7/8 ans, je voulais faire du trombone. Mes parents, même si à moyens modestes, ont souhaité m'accompagner dans ce choix. Sauf qu'il y avait le solfège! J'avais l'impression d'être à l'école (je détestais déjà le système scolaire!!). Du haut de mes 8ans, j'ai cru que c'était ça la musique: être obligé de rester assis à une table à écouter quelqu'un vous apprendre à écrire de notes et seulement après tu pourras toucher un instrument, et seulement après tu pourras vraiment apprendre, tester, vibrer... Alors donc la musique n'était pas faite pour moi, je n'étais pas faite pour elle; du haut de mes 8 ans, j'ai pensé qu'elle était réservée à ceux qui savent s'assoir et se taire. C'est l'écriture qui m'a ramené à la musique quelques années plus tard. Après des années de poésies, j'ai eu envie de chanter mes mots. J'ai pris quelques cours de guitare, sans grande conviction, deux accords (voir deux notes!) me suffisaient pour chanter.Je gardais cela pour moi, c'était mon jardin secret. Puis mes voyages au Burkina Faso m'ont plongé dans la musique au quotidien ( j'avais 20 ans, sur le tard donc !) Leur façon d'apprendre me parlait : tu regardes, tu écoutes, tu essaye, tu joues ! Je fus plusieurs années choriste et danseuse dans une troupe de musique traditionnelle au sein d'une association qui a été, est et sera toujours en moi. J'y ai aussi découvert le « n’goni » (guitare malienne) qui me parlait davantage que la guitare. En parallèle, je continuais à écrire mes compositions.
Quand je suis revenue dans la Manche en 2008, je me suis retrouvée de nouveau seule avec mes mots et mes mélodies. J'voulais en faire quelque chose... C'est ainsi que j'ai rencontré Tof en 2010. On a eu ensemble plusieurs formations allant de la chanson française, à l'afro funk en passant par le reggae. On a créé Strange o'clock en 2016. Depuis 2020, il y a eu aussi un retour à mes sources avec le Sitala Band System, band issue des associations Sitala/Sitala Lillin'ba, mêlant musiques traditionnelles africaines et fibres un peu plus occidentales. Formation musicale a actions ponctuelles mais intense !
Christophe: Fasciné par la musique depuis tout petit et influencé par la musique Hard-Rock/Heavy métal qu'écoutait mon frère (lui même musicien); j'ai commencé la guitare à l'âge de 10 ans, et j'ai tout de suite su que je voulais faire ça plus tard. J'ai dans un premier temps appris avec une amie (premiers accords et les morceaux qu'on apprend tous au début..) puis étais dans une école "conventionnelle" où on apprend à lire la musique au travers de morceaux allant de la variété au classique. Mais étant indiscipliné et peu scolaire, cela m'a vite lassé. J'ai ensuite pris des cours avec un professeur qui apprenait essentiellement le Blues, ce qui me parlait beaucoup plus étant donné que le blues est ma musique de prédilection! Je me suis vite débrouillé seul par la suite (en mode autodidacte), travaillant beaucoup à l'oreille et apprenant au fil des rencontres (c'est le cas avec la musique africaine par exemple). J'ai commencé les concerts vers 13/14 ans. Je suis passé par beaucoup de styles (Country, Hard Rock, Funk, Rock, Hip hop, Électro..) et j'ai pu exploiter ou survoler tous ces styles au travers d'une dizaine de groupes avant Strange O'Clock. La découverte de la musique africaine, surtout du blues africain et du blues du désert a été pour moi une révélation et je crois que le n'goni que l'on utilisé dans d'autres groupes auparavant avec Cély, a influencé mon jeu de guitare. Cély m'a transmis cette passion de la musique africaine et j'ai rapidement mélangé le jeu africain avec mon jeu blues sans me poser de question. Je me suis laissé aller librement (c'est aussi ça la musique pour moi), sans trop me soucier des codes à utiliser, sans me demander si c'était possible, ou si on avait le droit de mélanger ceci ou cela... Tout ça s'est entremêlé naturellement et c'est ce qui donne une certaine couleur à notre musique.
Comment pourriez-vous définir votre projet artistique ?
Cély: African'Blues Spirit ! C'est un voyage en terres multiples; un subtil entrelacement de blues, rock et mélodies mandingues et touareg.
Christophe: De l'African'Blues mais à notre sauce! On retrouve certains codes du Blues Africain, certains codes du Blues Américain. Nous mélangeons ces deux genres de Blues à notre manière, en y ajoutant notre patte. Vient s'entremêler à tout cela des bribes de Rock, de psyché, voir de «Country». Nous faisons vraiment les choses comme nous les ressentons. Je crois que si nous faisions du Blues Africain ou du Blues Américain vraiment dans les codes ou à la «manière de», cela ne nous conviendrait pas. Même si certains morceaux peuvent être très typés, nous fonctionnons au feeling de l'inspiration et à l'écoute de celle-ci… Par moment on est vraiment dans le désert du Sahara, par moment dans le désert de l'Arizona, d'autres moments au milieu de terres inconnues, et parfois tout cela s'entremêle! Les gens qualifient souvent notre Musique de World-Blues et ce terme nous va très bien !
En avril 2019, vous avez présenté votre album « Soul Fighting » que s’est-il passée pour vous depuis ?
Cély: 2019 a été une forte année de travail avec beaucoup de live en festivals et centres culturels. 2020 promettait une belle tournée sur le grand ouest de l'Hexagone malheureusement le covid a tout bousculé. Entre annulations et reports, peu de dates ont été sauvées cette année là. Pour moi, les quelques dates qui auront marqué cette année: le festival des Clefs de Bagnoles, concert à Cadillac, où le public avait de nouveau le droit de sortir, même si assis, c'était chaleureux et profond nous avions tous envie de nous retrouver. Et la première partie de Barbara Hendricks dans le cadre du forum mondial pour la paix, un concert pour le personnel soignant normand qui était lui aussi empreint d'émotions très particulières. Côté médiation, 2020 et 2021 ont été marqués par 3 projets qui, malgré les terribles mise à mal du contexte sanitaire (!), ont pu avoir lieu et aller jusqu'au bout. Projet Sacem, La fabrique à chanson, avec l'école primaire de Courcy, le théâtre de Coutances et Jazz sous les pommiers; interventions création en milieu pénitentiaire et résidence d'artistes en école de musique donnant en finalité une création avec les élèves de l'école de musique présenté lors du festival Chauffer dans la noirceur.
En tant qu'artiste, allier son travail aux médiations culturelles n'est pas toujours simple et évident mais dans le contexte que nous venons de traverser, ce fut un vrai marathon!!
Christophe: Et puis il y a l'enregistrement de ce nouvel album, commencé en avril 2021. Une vraie bouffée d'air dans ces années d'asphyxie générale....
Et l'entrée dans la structure de « Booking Come On Tour » (https://www.comeontourpro.fr/contacts ) ,il y a quelques mois; un plaisir et soulagement pour notre profession.
Comment vivez vous en tant qu’artistes et musiciens cette pandémie depuis deux année ?
Cély: Ces deux dernières années ont été très difficiles, pleines de colères, de tristesses, de doutes, de craintes et en même temps pleines d'espoirs.
On est passé par plusieurs phases...La première a été assez positive. Nous pouvions "lever le pied", souffler un peu, prendre du recul sur ces belles premières années pour le duo. Et nous avions le temps pour nous replonger dans la compo. La deuxième phase a été beaucoup plus difficile. Toutes les incertitudes sur l'avenir de notre profession, le manque de contact humain, de rapport sociaux; le manque de la scène et l'absence de relation avec le public; ça a été terriblement douloureux pour nous, au point de me couper l'inspiration! La phase trois fut l'album. Enfermez les artistes, vous ne les ferez pas taire ! Et comme il n'y avait plus de scène, c'était le moment opportun pour s'enfermer en studio. Je l'ai vécu comme une libération et comme une lueur dans ces sombres années... Cette pandémie modifie beaucoup nos réalités comme nos perceptions des réalités! Malgré tout , je garde espoir pour l'avenir et je reste persuadé qu'en tant qu'artiste, nous avons un rôle à jouer dans le maintien d'un certain équilibre, dans l'apaisement et le bien être des personnes.
Vous travaillez sur un nouvel album ! Est-ce toujours important aujourd’hui de produire un album ?
Cély: Pour nous oui ! Le rôle d'un album a évolué et avec le streaming, il a perdu malheureusement de la valeur...C'est un vrai challenge de sortir un album de nos jours, mais ça reste important pour nous. Chaque album est une empreinte d'instants qui ne se reproduiront jamais, c'est immortaliser nos créations. Le live est magnifique, magique.. et éphémère. Pour le public, l'album acheté après un live vient immortaliser aussi ce moment. Perso, quand j'achète un album après un concert, cet album est le lien d'une rencontre avec les artistes, le lien avec ce concert que j'ai kiffé et une découverte! Parce que les morceaux ne sont pas forcément interprétés de la même façon voir on en découvre d'autres.
Un album, c'est toujours une surprise et quand on aime, on peut réécouter autant qu'on veut!
Quel sera l’esprit de ce nouvel album ?
Cély: Cet album, c'est une Ode à la Vie. C'est une respiration calme, un soupir, une rage de vivre, une réflexion; une résistance autant qu'un lâcher prise...
L'esprit sera teinté AfricanBlues, évidemment ! Avec des univers plus diversifiés que dans Soul fighting.
Christophe: Toujours dans cette veine Afro Blues/Rock oui, avec quelques surprises, sûr ! Notamment avec des sonorités qu'on ne retrouve ni sur le EP, ni sur le premier album. Il y aura des morceaux avec ce mélange Blues Américain/Africain qu'on aime tant, et des morceaux où l'on a vraiment «enfoncé le clou» dans chacun de ces styles. On retrouvera aussi des sonorités planantes/ambiantes, encore jamais entendues sur nos disques et je dois dire que ça se mélange plutôt bien au reste. Il y a quelque chose de bien affirmé sur cet album.
Contact : https://www.comeontourpro.fr/