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Des mondes de musiques

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Rencontre avec JB Mondoloni et son Bodhràn

La percussion de référence pour la musique trad. irlandaise

Gérard Viel

Ils ne sont pas nombreux en France, les musiciens de référence joueurs de bodhrán, et JB Mondoloni (d’origine Corse) est l’un de ces rares pratiquants reconnu. Il a été récompensé plusieurs fois lors de concours en Irlande, et depuis plus de 15 années il met son talent, ses compétences et sa sensibilité au cœur de différents projets musicaux et pas uniquement celtiques.

Peux tu nous présenter le bodhrán ? Son origine, son histoire et la technique de jeu ?  

Tout d’abord la prononciation est différente de l’écriture et comme souvent en gaélique, il faut prononcer « baorhane », quant à l’origine elles sont diverses. Après le chant, et avant les flûtes, la percussion apparaît en premier dans toutes les cultures du monde. Mais le bodhrán, issu de la famille des « percussions sur cadre », ressemble à s'y méprendre à d'autres instruments « ethniques » d'Asie, d'Afrique, ou du Moyen Orient (Duff afghan, Bendir marocain, Daf Iranien, Dyaf russe ou arménien, Dayré oriental, Adoufe portugais ...). Bien évidement une tentation trop forte pour qui veut y voir une version « exotique » sur l'origine du bodhrán. Cette première théorie, plus « World » rassure ceux qui sont sûr d'avoir vu un instrument « de ce genre » dans une autre musique présente chez nous actuellement. La présence du bodhrán dans le sud de l'Irlande est importante, reliée au fait que cette même région a eu à une époque des relations commerciales avec l'Espagne, il n'en fallait pas plus pour parler de la « filière africaine » qui aurait amené en Irlande les percussions sur cadre maghrébines, via l'Espagne si longtemps arabe. La seconde franchement « Celtique », parle d'une origine bien plus ancienne, d'Asie Centrale. Ce berceau historique des celtes, abrite aussi des percussions sur cadre, et certains les voient comme un possible import des immigrants qui ont à une époque colonisé toute l'Europe de l'Ouest. Cette deuxième belle théorie est mise à mal par la date de ces invasions (5ème siècle avant JC), appuyés par le fait que les autres instruments d'époques (le Dòrd par exemple) retrouvés lors de fouilles n'ont absolument aucune relation avec les instruments « modernes » (tout comme la musique celtique proprement dite ne devait ressembler en rien à celles des compils éponymes de nos disquaires !). Reste la théorie qui semble la plus communément admise, même si ce n'est pas celle qui fait le plus rêver. Certains outils utilisés dans les fermes de toutes les îles britanniques et voisines, étaient de fabrication très proche du bodhrán, et encore utilisés d'ailleurs jusque dans les années 1950. Ils servaient à ramasser la tourbe, ou à vanner le blé. De plus on sait que le bodhrán apparaît souvent dans les défilés des fêtes de moissons… On imagine facilement un convive ramasser ou amener cet outil de travail pour battre le rythme. Au final, le bodhrán est juste une percussion sur cadre comme les autres, mais contrairement à beaucoup de ces homologues, il est joué d'une façon très particulière. La spécificité irlandaise reste, le bâton (stick, beater, tipper) qui est aujourd'hui largement utilisé, bien qu'à l'origine du Nord-Kerry et de Limerick. Bien évidemment le jeu à la main est toujours pratiqué, et transmet en général un effet saisissant et subtil dans le son et les accents produits. Ceux qui ont déjà vu un concert de Christy Moore savent sûrement de quoi je parle. L'utilisation de la main gauche pour varier les sons de peau est aussi peu répandue dans les autres percussions sur cadre, quoique tout de même rencontrée ailleurs. Enfin pour trancher avec d'autres percussions plus sonore et plus commune aujourd'hui, le bodhrán est capable de s'adapter au niveau volume, à des instruments d'intérieur tels que le violon. Bien que son utilisation festive mentionnée plus haut reste plus puissant aux côtés de fifres, flûtes, grandes cornemuses lors des défilés.

Histoire récente et actuelle :

Quand on sait que c'est le grand piper Seamus Ennis qui a déclaré que, « la meilleure façon de jouer du bodhrán, c'est avec un couteau » ... On peut comprendre la disparition quasi complète de cet instrument dans la musique traditionnelle irlandais aux alentours des années 50. Comme beaucoup de chose en ce qui la concerne, son retour est le fait d'un seul homme, Sean O ' Riada. Dans ses importantes recherches pour remettre en avant cette musique, grâce à son groupe Ceoltoiri Cualann (qui deviendra ensuite les Chieftains), il avait besoin d'un soutien rythmique. L'anecdote veut qu'il ait vu une pièce de théâtre où un acteur entre en scène en jouant de l'instrument. Toujours est-il que le bodhrán est présent à la création de son groupe en 1961, et que depuis il n'a pas quitté la scène des groupes de musique traditionnelle irlandaise.

 

Un grand tournant s'est opéré dans les années 70 aussi, grâce surtout à un musicien: Johnny « Ringo" McDonagh ». Il possède un swing irréprochable, mais déjà sur de vieux enregistrements de Joe Cooley et de son frère au bodhrán, je m'étais aperçu que la maîtrise de la main droite ne faisait pas défaut aux anciens (et les sonnailles non plus!). Cependant Ringo enregistre (notamment avec De Dannan) ce qui va faire énormément évoluer l'instrument: les variations de son, grâce à l'utilisation de la main gauche pressant sur la peau. Viendront ensuite de jeunes musiciens qui feront progresser énormément les formes, poids et technique de stick. Les dimensions de l'instrument (variant de 45 à 90 cm de diamètre, pour une profondeur de 7 à 15 cm). Ainsi des joueurs comme John Joe Kelly (Flook) utilise un stick et un instrument bien différent de ce qui a été fait auparavant, alors que des groupes comme Beoga nous laissait entendre des battements autrefois impossible avec les anciennes techniques pour tenir le stick.

Comment s’est fait ta rencontre avec le bodhrán, et ton apprentissage ?

A début des années 90, alors que je baignais plus dans les musiques actuelles, j’avais déjà le désir de me consacrer plus à la musique acoustique, sans avoir plus d’idées précises que cela. Les instruments acoustiques pointaient depuis un petit moments leur nez dans les groupes plus électriques, dont certains avaient un succès grand public. C’était notamment le cas des Pogues, dont plusieurs de mes amis étaient très fans. Parmi eux, certains pratiquaient le folk-rock dans cet état d’esprit. Cela m’a ouvert une porte d’entrée vers la musique traditionnelle irlandaise, que j’ai rapidement fort appréciée. Un jour l’un deux m’a proposé de me prêter un bodhrán qu’il avait chez lui, et dont il ne se servait pas. J’ai pratiqué en autodidacte, d’abord sur des disques à la maison, puis dans des sessions quand je pouvais m’y rendre. Les premiers voyages en Irlande ont aussi bien aidé.

Sur quel bodhrán joues tu ? Quel est ton micro préféré pour le sonoriser en concert ?

Vu le coût peu élevé de l’instrument par rapport a ceux de mes collègues, j’ai pu m’adonner à la quête du bodhrán le plus polyvalent possible, en achetant beaucoup de modèles. Quête bien évidemment sans fin, puisque je n’ai jamais trouvé le bodhrán à tout faire. Je change donc pas mal d’instruments en fonction des projets auxquels je participe, et même parfois des morceaux que j’accompagne. Au final, en faisant le bilan, je réutilise beaucoup les premiers instruments de qualité que j’ai récupérés (notamment ceux faits par Bill Wright de Galway). Pour la sonorisation en concert, c’est la quête sans fin. Après avoir un peu délaissé la question pendant pas mal d’années, avec des micros passe-partout, je me suis attaqué au problème de près récemment. Niveau microphones, j’ai eu de bons résultats avec deux techniques très différentes. La plus complexe (car elle demande que sur le plateau il y ait un niveau sonore ambiant plutôt faible), est celle d’utiliser assez loin de l’instrument un micro cardioïde de type studio. Mais à vrai dire, j’utilise surtout l’autre solution qui permet d’être mobile et de jouer même aux côtés d’instruments ou de retours sonores. Elle consiste a reprendre l’idée développée en studio, d’avoir deux micros : un pour le corps du son donc les graves et le Susten, l’autre pour l’attaque du stick sur la peau et donc la précision. Les deux sont fixés sur l’instrument. Pour le premier j’ai cédé à l’attrait du DPA si utilisé actuellement pour les instruments acoustiques. Pour le second, la qualité du micro importe beaucoup moins.

Quels sont tes joueurs de bodhrán de références ?

Je ne me tiens pas trop à la page des excellents joueurs qui émergent ces dernières années. Alors je citerai mes références qui datent un peu, mais qui, à la réécoute, n’ont rien perdu de leur talent lors d’enregistrements mythiques : Johnny McDonagh, Donal Lunny, John Joe Kelly, Maurice Griffin, Donnchadh Gough, Neill Lyons ….

Quels sont les groupes avec lesquels tu joues ?

Depuis une vingtaine d’année, j’ai utilisé l’instrument seul, ou comme point central d’un set de percussion plutôt original (surtout des percussions sur cadre, mais allant jusqu’à didgéridoo ou au piano d’accompagnement) au sein de styles très variés, dépassant largement la musique irlandaise, et les musiques traditionnelles. La musique maghrébine, la variété, la chanson, le conte, le spectacle jeune public, la comédie musicale, la world, le folk, le Jazz, la musique baroque, le swing, la musique médiévale, la musique pour le cirque... . J’ai aussi réalisé beaucoup de séances d’enregistrements avec l’instrument, depuis de grosses productions, jusqu’à des musiques pour l’audiovisuel (Jean-Jacques Goldman, Thomas Fersen, François Hadji Lazaro, Nolwen, Maurane, Cécile Corbel...). Actuellement, en plus de projets pédagogiques à la philharmonie de Paris, ou à l’association Irlandaise de la même ville, je joue du bodhrán en concerts entre autre avec : Owen’s Friends, Mugar, Lili So Far… et je dois participer à la prochaine tournée d’Alan Stivell, qui commencera vers le mois de juin 2017.

Contact : www.jbmondoloni.com

Lien vidéo : https://www.youtube.com/playlist?list=PLTvPQonUpNoiFlrxCs4D6QNt0BOfhLEdn