Paimpol, 3 août 2019
Textes et photos de notre envoyé très spécial François Bensignor (ouverture : Parade Cheval Vapeur - Cie Korbo)
En ce deuxième jour, le ciel a prévu de préserver les festivaliers de l’insolation.
Nicolas, vaillant, souriant, costaud et sympathique gardien de la porte du collège Saint-Joseph, où convergent artistes, bénévoles et autres médias, remercie les nuages. La morsure du soleil sur sa peau s’est calmée. Mais son soulagement n’est qu’un répit, car le soleil revient toujours, c’est connu, en Bretagne !…
Nicolas - ©Anne Launois
Dans les allées du port, la foule se presse de plus en plus compacte autour des artistes, comme devant les sept scènes. Hier, elle acclamait Tri Yann et Jeanne Added. Aujourd’hui, elle communie avec Denez et Gilberto Gil. À 85 ans, l’ancien ministre de Lula retrouve la scène comme un plaisir d’enfant. D’abord assis guitare en main, il berce son public d’agréables mélodies, un peu comme des comptines. Silencieux avant l’entrée en scène du bel homme, ses huit musiciens se fondent dans l’harmonie, discrètement. La musique prend forme. Gilberto est debout à présent, guitare en bandoulière, électrique cette fois. Sa bossa devient samba. Passées quelques chansons d’amour, le rythme prend les couleurs du carnaval. Les drapeaux brésiliens flottent au-dessus des têtes. Les sons de la grande scène font écho à la ferveur percussive des batucadas, déambulant inlassablement autour des bateaux. “Ô ô ô ô, Liberté ! Â â â â Liberta !” Des milliers de voix s’unissent à celle du chanteur pour un final énergique.
Gilberto Gil
Quel effet ça lui fait de revenir à la chanson ? Qu’est devenue sa politique culturelle au Brésil ? Comment les Brésiliens ont-ils pu élire un président fasciste ? Comment lutter contre cette malédiction ? Toutes ces questions resteront sans réponse. L’entretien, prévu, négocié, accepté de longue date est annulé à la porte de la loge où il devait se tenir… Le vieux sage nous prive de sa parole, alors que l’on n’aura sans doute plus l’occasion de la recueillir. Cette déception s’ajoute à deux tristes nouvelles. La défection des Charbonnier de l’Enfer. Frappé en avril dernier par la disparition de Jean-Claude Mirandette, l’un de ses chanteurs, le groupe était privé d’un autre de ses membres en convalescence d’une opération à cœur ouvert. Et puis l’absence de Idir, attint d’une maladie qui le privera peut-être de scène pour longtemps.
Hakim & Mouss - Motivés!
C’est justement au chanteur kabyle que les Motivés ! dédient la dernière salve de leur déferlement de pêche. Un répertoire exclusivement constitué de chants de lutte du monde : “Hasta Siempre”, chanson cubaine à la gloire du Che ; “A Luta Continua”, écrit pour Miriam Makeba par sa fille en soutien à Samora Machel et au Frelimo dans leur lutte pour l’indépendance du Mozambique ; “Ay Carmela”, l’hymne des Républicains espagnols ; “La Carte de Résidence”, réclamée par Slimane Azem pour les Algériens de France.
Slimane Azem, “La Carte de Résidence” :
Sans oublier “La Butte Rouge”, “Bella Ciao” ou “Le Chant des Partisan” version Motivés ! Les Toulousains le dédient « à celles et ceux qui sont motivés en Bretagne et qui luttent contre l’extrême droite. »
Les Pirates
Nous voilà regonflés à bloc pour une soirée en quête de beaux chants de marins. Elles nous avaient enchantées sous le soleil et on les reverra sur les quais : Les Pirates sont emmenées par quatre voix de filles qui savent trousser un répertoire de chansons traditionnelles choisies pour résonner avec la vie d’aujourd’hui. De belles harmonies vocales et un tempérament qui vaut bien le détour. On en dira autant des charmantes Margaux, trio vocal féminin venu des Iles de la Madeleine, au-delà de l’embouchure du fleuve Saint-Laurent au Québec. Des îles fort musicales, où les voix de Annie Vigneau, Esther Noël de Tilly et Sonia Painchaud se mêlent tout en délicatesse.
Poles Apart, QFTRY & Tom Lewis
Les godets éclusés sur le port donnent du baume aux chœurs, lorsque la nuit descend, enveloppant les voiles. De loin, c’est d’abord la voix basse qui m’attire. Des harmonies comme celles-là sont rares ! On s’approche et l’on perçoit maintenant tous les registres. Une mise en place absolument impeccable, doublée d’une passion de chanter toute communicative, et une voix lead qui empli le port. On découvre, fasciné, Tom Lewis et ses amis polonais de QFTRY. Tous les gars et les filles qui s’occupaient à boire alentour se massent devant la scène, entraînés dans la danse par les superbes voix du sextet, qui fait swinguer ses chants à la merveille.
Tom Lewis
Difficile à trouver leurs disques autoproduits, mais cette vidéo de Tom Lewis vous donnera une idée de l’ambiance :
Après ce bain marin, on plonge dans la transe de Kila. C’est sur scène que l’on goûte la magie des Irlandais. Leur show de lumières tient du psychédélisme. Le cabaret bascule dans une autre dimension quand le violon, la flûte et le uilleann pipes se rejoignent après une accalmie pour faire gonfler à nouveau l’ouragan de musique. Jupes relevées, le cabaret déborde sur le quai. Dedans, les hurlements d’un public qui en veut encore se prolongent longtemps. « Venez demain, on joue sur l’autre scène ! »
Quand Les Frères Smith enchaînent, j’ai déjà jeté l’éponge, malgré le désir que j’ai de les voir. Il est tard, la fatigue s’accumule et il faut raconter. On y revient plus tard. En attendant, appréciez la vidéo :