
Marc Perrone
Des pages riches d'une vie
Philippe Krümm (photo ouverture : Pierre Pytkowicz)
Marc Perrone après quelques années d’écriture nous offre un livre pas comme les autres. Ce livre raconte une vie de musique, une vie particulière car ce n’est aujourd’hui un secret pour personne, notre historique accordéoniste est très malade. On doit à Marc le retour d’un petit accordéon dans la musique populaire. L’homme est un musicien habité d’un humaniste hors norme. Lisez son livre vous comprendrez, si vous n’avez pas la chance de le connaitre, qu’une vie peut être particulière. De son enfance à la cité des 4000 à la Courneuve il ne pouvait imaginer l’incroyable vie qu’il avait devant lui.
La sortie officielle de « Tu vois ...C’est ça que l’on cherche ». sera lors de la fête de l’Humanité en septembre 2025, mais une avant-première aura lieu lors de son festival de cœur : Uzeste Musical du 17 au 23 aout.
En le visitant il y a quelques semaines nous avons parlé de ce livre au titre énigmatique et Marc nous a évoqué quelques moments de sa vie, des extraits du livre à découvrir.
Philippe Krümm : « Tu vois ...C’est ça que l’on cherche ». Tu cherchais quoi ?
Marc Perrone : J’ai repris une phrase que j’ai entendu à la fête de l’humanité en septembre 1982, le jour d’un grand raout sur l’accordéon auquel Marcel (Azzola ndlr) m’avait invité. Je fais ma balance tout seul.
Marc & Marcel - Photo : DR
J’avais joué un air italien et là en bas de la scène à ma gauche, il y avait deux types, que je ne connaissais pas l’un me regardait avec un grand sourire. Je descends du plateau. Je passe près d’eux quand j’entends : « tu vois Bernard c’est ça que l’on cherche ! ». Je me suis renseigné sur qui étaient ces deux personnes auprès de Charles Sylvestre qui était l’organisateur : « Ben c’est Michel Portal et Bernard Lubat ».
Je connaissais leurs noms mais je ne les avais jamais croisés. J’ai été très surpris et dans ma tête ça tournais, je me demandais : « mais c’est quoi ce qu’ils cherchent ? En fait, en écrivant le bouquin j’ai compris que l’on ne trouve jamais le ÇA. Qu’est-ce que l’on cherche ? C’est toujours en devenir quelque soient les étapes. Le livre c’est l’occasion de raconter mon histoire en même temps que l’histoire de beaucoup d’autres.
Marc Perrone chez lui devant son ordinateur. Photo : P.K.
P.K. : Ton histoire commence quand dans ce livre ?
M.P. : Je suis remonté loin, à la rencontre entre mes parents, Boulevard Raspail.
Ils étaient tous les deux italiens, mais ils ne se connaissaient pas.
Mon père sortait de la boutique d’un tailleur, il était tailleur sur mesure et ma mère était blanchisseuse travaillait juste à côté.
Ils se croisaient presque tous les jours. Une fois ils ont osé échanger quelques mots …Puis voilà !
Ce qui est très amusant c’est qu’elle est arrivée dans les années 20, elle avait 4 ans. Elle est passée par les écoles de la république et donc elle n’avait pas du tout l’accent italien.
Elle parlait comme toi et moi.
En revanche mon père est arrivé en France, il avait 28 ans, il parlait à peu près français mais avec un très fort accent italien. Je ne vais pas te raconter tout le livre (rires).
P.K. : Et livre fini quand ?
M.P. : La fin ...En gros je termine il n’y a pas longtemps, il y a 5/6 ans quand je comprends que je ne peux plus jouer d’accordéon. Mais que la vie continue et qu’il y a toujours un bout du « ÇA » à trouver quelque part.
P.K. : Au cœur du livre : un moment important ?
M.P. : Là, on va dire toutes les années folk, avant la rencontre avec entres autres Portal et Lubat. Puis après tout ce que cette rencontre avec Michel et Bernard, tout ce que ça a généré en termes de rencontres, de découvertes, des choses, des possibles... Ils trimbalaient, et il trimballent toujours, dans leurs mondes de musiques une infinité de choses possibles qu’ils proposent à d’autres. Je dirais que cette rencontre-là a été un tournant important dans ma vie musicale et dans ma vie tout simplement.
P.K. : Avant il y a quand même le moment ou l’accordéon rentre dans ta vie ?
M.P. : L’instrument pour moi était ringard total has been. Jeune je jouais beaucoup de guitare.
P.K. : Avant le folk c’était quoi tes idoles ?
M.P. : Tout petit, je le raconte dans le livre, chez moi, on écoutait beaucoup la radio, toutes les chansons de Piaf et toutes les chansons de l’époque. Je les avais toutes dans l’oreille, déjà pour moi, tout petit, la musique c’était la plus belle maison du monde, c’était ma maison. Mon père me gardait, je suçais mon pouce en le regardant travailler. Il y avait tout le temps la radio. Trenet, Piaf puis après Brel... C’était les années 50, la valse à mille temps ...très importante. Je la chantais quand j’étais tout seul. Je ne comprenais rien aux paroles mais j’adorais aussi chanter « Aller venez milord... » J’avais 9 10 ans, je la chantais à tue- tête quand j’étais seul à la maison. Je jouais beaucoup de guitare avec un copain à Aulnay-Sous-Bois. Un jour il a sorti un petit Hohner un rang 4 basses. Il m’a dit « Tiens, si cela t’intéresse, je te le donne ». J’ai pris ce truc. Je suis rentré à la maison. Ça a beaucoup étonné mes parents. Je leur ai dit « Ouais ! C’est de l’accordéon... Mais pas pareil »
P.K. : Ton premier morceau sur cette petite boite ?
Marc Perrone avec un 2915 de chez Hohner - Photo : DR
M.P. : Une composition. (rires). J’écoutais beaucoup de musique cajun en particulier le disque le blues des bayous Des musiciens comme Canray Fontenot et Alphonse « bois- sec » Ardoin et d’emblée j’ai essayé de faire un truc qui ressemblait à leur musique. T’imagine !!!! »
J’ai largement raté la cible, mais j’ai fait une valse et un air qui ressemblait de loin à un two steps, à ma sauce. Dans le disque de Pierre Toussaint « le paradis des vieilles maisons » je joue un morceau, une sorte d’évolution de mes premières compositions à l’accordéon (rires).
P.K. : Ton implication dans les débuts du mouvement folk à Paris ?
M.P. : J’ai participé à la première réunion de l’association « folk International » c’était dans des locaux paroissiaux à Paris dans le quartier de Saint Germain. (Rires). J’arrivais cheveux coupés courts, assez athlétique l’archétype du sportif et là je tombe sur des mecs hirsutes qui fumaient des trucs qui avaient un drôle d’odeur. Il y a des gars comme Roger Mason, Michel Hindenoch, Ben, Leroy-Gourhan, Pierre Toussaint... A l’issu de cette réunion on s’est retrouvé Robert Gardette et moi secrétaire et président. Il y avait John Wright et Catherine Perrier. On était un peu paniqué face à cette responsabilité. On s’est retrouvé chez eux après la réunion. Eux ils étaient très accueillants. Faudra lire les détails dans le livre (rire) et puis il y a eu les premières réunions du folk club le Bourdon et là j’ai entendu Daniel Benaïme le petit frère de Ben qui jouait « « mon père arrachait des raves à l’accordéon une bourrée très connue et Catherine Perrier m’a offert mon premier enregistrement de collectage. C’était un bal enregistré dans le Berry et j’ai pu commencer à me faire du répertoire.
P.K. : Et ton tube en avant blonde tu l’as appris comment ?
M.P. : C’est Roger Mason qui me l’a apprise. il l’avait trouvé dans un recueil de morceaux de l’Aunis et du Saintonge. J’ai appris l’air c’est le grand truc du folk dont je parle abondement dans mon livre là il n’y avait pas le besoin de connaitre la musique. Fallait écouter et imiter...ce que j’ai fait
P.K. : La grande morale de ce livre
M.P. : Tout est possible ! Le livre raconte ma vie d’où je viens toutes les rencontres que j’ai faites. Ça c’est important la vie, c’est un croisement, on rencontre des tas de gens qui nous emmène sur des pistes que l’on ne soupçonnait pas avant. Pour moi la vie c’est la rencontre des autres et ce que l’on en fait pour soi. Et comme morale et bien revenons aux cajuns, comme ils disent : « il ne faut jamais lacher la patate ! » Beaucoup de monde, j’ai croisé beaucoup de gens que j’ai beaucoup aimé c’est un peu ça que l’on cherche dans la vie, c’est très enrichissant de rencontrer les autres et de vivre la musique.
Mais la grande morale que j’ai écrite : C’est la distinction que l’on fait en France entre l’excellence issue des connaissances savante que l’on oppose souvent aux musiques de tradition orale alors que les musiques populaires sont autrement savantes. Tous les musiciens que j’ai rencontrés, les anciens ils étaient dépositaires d’un monde qui nous était étranger dans notre société d’aujourd’hui. Leurs pratiques ont quasiment disparu. Ils avaient une manière de faire qui avait une grande singularité ça leur appartenait. Lea Saint-Pé (Léa Saint-Pé, une pratique musicale partagée (20fevr. 1977 - CLIC) elle jouait des rondeaux à l’accordéon. Il n’y a quelle qui les jouait comme ça. Après il faut s’inspiré des gens et c’est là que c’est forcément savant ; on apprend à les suivre à la trace, mais on ne pourra jamais mettre nos pas exactement dans les leurs. On peut garder en nous leur gestuel, leurs mots, on les garde en nous et inconsciemment on restitue avec notre propre personnalité.
P.K. : Avant de te laisser : Comment vas-tu ?
M.P. : Le mieux possible. J’ai une sclérose en plaque ça aussi ça coure dans le livre. Je ne passe pas à côté : de comment cela m’a habité à comment cela m’a handicapé petit à petit. Il se trouve que la musique, la création de mélodies m’ont sauvées. Je conseille à tous les gens malades ou pas, de s’adonner à un travail de création au sens de produire des choses et de ne pas s’enfermer, se claquemurer dans ce que l’on appelle la maladie. Toute vie est une maladie. On vie malade. On meurt malade.
Marc & Riccardo - Photo : P.K.
J’allais quitter Marc quand Riccardo Tesi appela. Riccardo, nous parlons du livre que va sortir Marc, aurais-tu des questions à lui poser ?
Riccardo Tesi : Déjà je dois dire que ma référence, mon phare dans l’histoire de l’accordéon diatonique naissante, c’est lui qui a tracé la voie. C’est la référence de tous les accordéonistes européens moi en tête. Aujourd’hui en plus c’est un ami très cher.
R.T. : Dans ton livre nous donnes-tu des secrets ?
M.P. : Non ! (Rires)
R.T. : La plus représentative de tes créations, celle dont tu es le plus fier ?
M.P. : Je réfléchis... J’aime bien tous ce que j’ai fait mais peut être les valseverde (1988)
P.K. : Et pour toi Riccardo, sa plus belle composition ?
R.T. : Vas-y-Mimile ou Jacaranda... Mais tous ses morceaux sont parfaits. J’ai toujours été un fan de Marc. J’ai toujours été influencé par le travail de Marc.
Pour commander le livre de Marc : CLIC
Marc présentera son livre en « avant-première » lors de la 48eme édition Uzeste musical du 17 au 23 aout
Marc Perrone à la fête de l'Huma dans les années folk. photo : DR
Et officiellement lors de la fête de l’humanité les 12,13,14 septembre