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Des mondes de musiques

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Lisa Wolf

Une vie de musique

Interview réalisée par François Saddi

Lisa Wolf : Alors que sort son tout premier album solo, partons à la rencontre de cette jeune musicienne allemande, factrice d’instruments qui a choisi de vivre en Centre France !

 

Quelques mots sur ton parcours pour commencer : ta formation, la rencontre avec la musique et les musiques traditionnelles…?

J'ai appris la musique comme le vélo : Avec mon père, qui m'a appris les bases, m'a donné l'élan de départ, un premier sens d'équilibre et après j'ai fait mon chemin et mes expériences.

Voilà, je suis fille d'un professeur de musique (au "Gymnasium" = collège + lycée) qui donnait aussi des cours de piano à la maison. Un jour j'ai dit : « moi aussi » et c'était parti avec le piano.

Puis j'ai cherché à apprendre des instruments que mon père ne pratique pas : d'abord la clarinette et puis la cornemuse. C'est par cet instrument que j'ai fait connaissance avec le milieu des musiques traditionnelles à danser.

Mes débuts à la cornemuse se sont faits dans un stage annuel. Pendant un WE je rentrais dans l'univers de la musique et de la danse traditionnelle et j'en tirais de l'inspiration pour passer toute une année seule avec ma cornemuse à la maison.

Tu t’es installée en France : choix ? Hasard ? Et pourquoi le Berry ?

Atelier de Lisa Wolf Photo DR

Avec le type de cornemuse que j'ai appris est venu la musique qui va avec – du répertoire Renaissance pour le Hümmelchen et du traditionnel français pour la 16pouces. Entre-temps j'ai eu connaissance d'autres stages en Allemagne et puis en 2007 j'ai fait un premier stage avec un intervenant français, qui, à la fin du stage a invité quatre élèves à se joindre à l'orchestre de la Société Fraternelle des Cornemuses du Centre.

J'y ai trouvé une famille d'accueil chaleureuse, et même l'amour... Voilà pourquoi je suis venue en France quatre ans plus tard.

Nous avons pris la décision de ne pas rester en région parisienne et dans nos critères de choix de région il y avait entre autre la musique, le paysage, les prix immobiliers et s'il y avait déjà des réparateurs d'instruments...

En France, nous sommes très ethno centrés, nous ne connaissons que très peu la culture allemande dans ses diverses expressions, pourtant si proche géographiquement. Quelles références pourrais-tu proposer pour nous permettre de sortir des clichés issus de l’histoire récente ou de la fête de la bière ?

 C'est difficile de décrire la musique "allemande". Il y a tellement de régions différents. Et en même temps, le problème d'une rupture complète de la pratique traditionnelle dans presque tout le pays (avec les guerres). A cause de la maltraitance des chansons traditionnelles du 3ème Reich, les gens n'avaient plus envie de chanter – trop de mauvais souvenirs collés aux chansons. Il y a un beau film documentaire sur la pratique du chant traditionnel en Allemagne qui s'appelle "Sound of Heimat" et qui est justement à la recherche de la relation des allemands avec leur musique et leurs chansons.

Pour la musique instrumentale il n’y a que peu ou pas de tuilage. Actuellement il y a un élan pour retrouver, publier et se ré-approprier les quelques notes trouvées de musiciens du 19ème siècle ou d’avant. Ils ont mis en place une chaîne YouTube (TanzTradMusik) qui a pour but de faire découvrir quelques perles de ces manuscrits. Ils sont interprétés par musiciens divers sur instruments divers pour montrer aussi qu'en absence de témoin d'époque, il n'y a pas de vrai ou faux dans l'interprétation.

Notamment, en ce qui concerne la cornemuse, il y a surtout des sources iconographiques et presque pas d'instrument complet de trouvé. Donc, comme il y avait déjà un mouvement de revivalisme en France, une grande partie du milieu à bourdon s'est inspiré par la nouvelle pratique française.

Lisa Wolf Photo DR

Dans quelques régions il y a des instituts de recherche de la musique traditionnelle (ainsi que pour les habits traditionnels). Dans ces régions, il y a des vinyls et autres témoins d'une pratique de fanfares et harmonies, par exemple en Franconie ou j'ai habité et rencontré des musiciens qui avaient parfois même suivi des études d'ethnomusicologie.

Le cliché de la fête de la bière vient aussi du début du 20ème siècle quand la région alpine connaissait un haut du tourisme et donc proposait aux touristes des spectacles du style "une soirée comme ça se passe chez nous" avec du Schuhplattler (danse folklorique de Haute Bavière), des costumes etc. Donc par ce folklorisme ils ont quand même préservé de la pratique musicale et les danses mais en même temps ils se sont construit un corset qui compliquait tout changement ou évolution.

Une grande part de la musique traditionnelle aujourd'hui est du revivalisme. L’interprétation est influencée par les pratiques existant ailleurs, prenant en compte une similitude probable, notamment dans les régions voisines comme par exemple le nord de l'Allemagne et la Scandinavie.

Ce disque est formé pour une bonne moitié de tes compositions, peux-tu en dire quelques mots ?

 Comme j'ai commencé la musique par le chemin classique, j'ai mis des années à être mis en situation de "devoir" apprendre un morceau d'oreille. Et avec l'apprentissage sans partitions est aussi venue l'improvisation.

Les compositions sont souvent les enfants du hasard, d'un échauffement de doigts ou d'une envie de danser une danse précise (par exemple un Hanter Dro pour "Nase-Nase"). La partie de polka que j'ai mariée avec le "Rotzebebbel" n’a jamais eu de deuxième partie. Finalement, elle a trouvé son bonheur avec une Mazurka qui, elle aussi, aurait mérité une deuxième partie ! La valse "Juli" (= juillet) m'est venue après mon premier St Chartier 2008 avec notre passage de la Frat' sur la grande scène.

Parfois on entend clair et net quel type de musique je jouais avant comme pour la "Meisterkochmazurka" (mazurka du maître cuisinier) qui date de ma période de première rencontre avec les polskas suédoises. Justement elle a été reprise par quelques groupes de bal folk allemands. Il y a aussi un autre morceau qui n'est pas sur le disque et qui commence à circuler.

Quelques mots sur ton métier…

Quand le bac s'approchait j'en avais mare d'apprendre pour des examens et je voulais faire un apprentissage pratique. De toute façon, depuis ma rencontre avec la cornemuse et Olle (Olle Geris, factrice de cornemuses) j'avais envie de faire des cornemuses. Mais comme je ne savais pas comment m'y former, j'ai donc choisi une formation plus classique :

Mon métier est la lutherie d'instruments à vent de la famille des bois. J'ai fait le Gesellenbrief Holzblasinstrumentenmacher, une formation type CAP en 3ans dans l'atelier avec 6 x 6semaines à l'école. C'était près de Tübingen. Pendant ce temps-là j'ai traîné beaucoup dans l'atelier d’Andreas Rogge (facteur de cornemuses). Notamment pour les bases de tournage... Et puis j'y suis retournée après le CAP pour faire un stage d'un mois et pour y fabriquer une 23p avec des bourdons changeables en ré.

Après j'ai travaillé chez Schwenk & Seggelke, un atelier mondialement renommé de fabrication de clarinettes modernes et historiques de la toute petite en La bémol jusqu'à la clarinette basse. C'était très enrichissant. J'ai eu l'occasion de travailler dans la fabrication mais aussi dans les réparations de clarinettes très haut de gamme. J'ai aussi eu la chance de faire des restaurations sur des instruments anciens du 18ème siècle. Mes collègues et maîtres m’ont soutenu pour faire mon diplôme de maître artisan en Allemagne (qui est reconnu comme diplôme mais ne me donne pas le droit d'utilisation du titre de "maître artisan" en France).

Maintenant je suis installée pour faire des réparations sur flûtes, clarinettes et saxophones et je prépare la fabrication de cornemuses du centre...

Quels sont tes projets ?

Musicalement je sens que j'ai fait un grand travail pour enregistrer ce CD et maintenant j'ai envie de le présenter, de jouer. En solo ou avec un/des invité(s), en concert, en inter-plateau, en première partie d'un bal... J'ai envie de partager. J'aurais aussi envie de monter une ou des petites formations : j'ai deux Duos en tête, mais je n'en dis pas plus. Et puis si quelqu'un cherche une cornemuseuse, je suis aussi ouverte pour d'autres aventures musicales…

Demain je parts pour un stage de cornemuses en Allemagne, ce qui me fait très plaisir aussi. Je peux aussi assurer des cours de cornemuses dans mon atelier.

En lutherie, je viens de finir un tout premier prototype de 16p qui sort déjà quelques notes, mais je voudrais bien le peaufiner pour présenter un instrument fini au Son Continu et aussi pour Comboros où je serai également présente.

Et quand je vois mes enfants, j'ai très envie de travailler aussi sur une cornemuse à leurs proportions... Pour l'instant il me manque plutôt du temps que des idées !