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Des mondes de musiques

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Le long de « L’Amazone »

Avec Rosivaldo Cordeiro

Propos recueillis par Guillaume Abel

2 CDs, un livret d’une trentaine de pages… Il fallait au moins cela pour faire le tour de l’Amazone, le plus puissante des cours d’eau de la planète.

Le journaliste François Mauger a réuni sur la compilation « L’Amazone » 27 titres qui permettent de remonter le fleuve. Le départ s’effectue au Brésil, vers la ville de Belèm, au rythme du carimbó, un genre musical très marqué par l’héritage afro-brésilien. Plusieurs titres explorent ensuite l’univers de la guitarrada brésilienne, puis celui des peuples autochtones, avant d’aborder brièvement la Colombie, le temps d’entendre chanter Pedro Bernal Mendez, et de poser le pied au Pérou. C’est en effet là que l’Amazone prend sa source, sur le versant est des Andes, au son de guitares et de charangos haut perchés (à noter, les contributions remarquables de Federico Tarazona, Manuelcha Prado et Rolando Carrasco Segovia). Pour faire plus ample connaissance avec ces répertoires, nous avons posé quelques questions au guitariste Rosivaldo Cordeiro, le seul artiste de la compilation qui vit en Europe...

 

Rosivaldo Cordeiro - Photo DR

 La musique née sur les rives de l'Amazone est très mal connue en France. Est-elle mieux connue ailleurs ? Notamment au Brésil ?

Rosivaldo Cordeiro : Il existe un phénomène un peu particulier en Amazonie, depuis les années 1970. La carrière des artistes amazoniens se fait dans cette région de dimension continentale, sans qu’ils aient à passer par de grandes villes comme Rio de Janeiro ou São Paulo, où se concentrent les maisons de disques brésiliennes. Ce n’est ni une force ni une faiblesse. Simplement, la demande de concerts a longtemps été forte dans les régions du nord et du nord-est. Par exemple, la mine d’or de la Serra Pelada a engagé de nombreux artistes de la région (et même de na nation entière) pour animer ses soirées. Les artistes amazoniens obtenaient également de grands succès dans le Nordeste, notamment dans les villes de Recife et Fortaleza, qui recevaient toute leur production phonographique. De nombreux artistes ont d’ailleurs fini par s’y installer, comme Nonato do Cavaquinho, Beto Barbosa ou Aldo Sena. Par ailleurs, il y avait aussi une forme d’élitisme dans les grands centres, qui jugeaient la production du nord de mauvaise qualité. En 1996, la région a enfin connu un tube mondial, né dans l’île de Parintins : « Tic tic tac », composé par un simple pêcheur du nom de Braulino Lima et enregistré par le groupe Carrapicho, dont j’étais le guitariste. Cela a créé de nouvelles perspectives pour la musique de l’Amazonie. Aujourd’hui, c’est même évident : de jeunes musiciens du Pará, l’Etat brésilien qui se trouve à l’embouchure de l'Amazone, connaissent le succès dans tout le pays et au-delà. Malheureusement, la scène amazonienne manque encore de visibilité, parce que ces artistes ne s’orientent pas tous dans la même direction, qui serait la diffusion de la culture de leur région.

 « Chama Verequete » de Mestre Verequete, l’un des inventeurs du carimbó, genre musical très populaire à l’embouchure de l’Amazone

Le titre que vous jouez sur la compilation "L'amazone" est une "guitarrada". D'où vient ce genre de musique ?

Rosivaldo Cordeiro : La guitarada a émergé à la fin des années 60, en fusionnant le choro, le maxixe, le forró, le carimbo et d’autres rythmes latins tels que la cumbia, le merengue et le zouk. Son créateur est Mestre Vieira. On l'a d’abord appelé « lambada instrumentale ». En 1978, après la sortie de l'album « Lambadas das Quebradas » de Mestre Vieira, la guitarrada a été rebaptisée et reconnue comme un genre musical à part. C'est un style unique qui a traversé les frontières.

Moi, que l’on surnomme affectueusement « guitarreiro » depuis la sortie, en 2014, de l’album du même nom, je contribue à faire revivre, à perpétuer cette musique. Mon album a servi de référence à plusieurs groupes et artistes de la scène amazonienne. L’engouement du public pour la guitarrada est aujourd’hui est très fort, car il s'agit d'un rythme dansant et contagieux, apprécié partout et qui trouve des prolongements dans tous les genres de musique.

 « Asphalte jaune » de Rosivaldo Cordeiro, une guitarrada retenue sur la compilation « L’Amazone »

 Dans cette compilation, on vous retrouve également comme producteur d'un enregistrement de boi-bumbá. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s'agit ?

Rosivaldo Cordeiro : Oui, je suis le producteur d'une boîte contenant 5 CD, sortie en 2013, qui réunit les 100 plus grandes toadas de boi bumbá de la Boi Bumba Caprichoso Folklore Association. Cette association est originaire de l'île de Parintins en Amazonie, où chaque année depuis 55 ans, au cours des trois derniers jours de juin, se tient un festival folklorique. Cette fête est reconnue comme partie intégrante du patrimoine culturel du Brésil par l'Institut du patrimoine historique et artistique national.

Les représentations, qui commencent le dernier vendredi de juin et durent jusqu’au dimanche, symbolisent une dispute ouverte entre deux groupes folkloriques, Boi Garantido (le bœuf rouge) et Boi Caprichoso (le bœuf bleu). Elles ont lieu dans le Bumbódromo, qui peut réunir 35 000 spectateurs. Le Festival Folclórico de Parintins est diffusé en direct à la télévision dans tout le Brésil. Au moment de la fête, la population de Parintins (114 000 habitants) double presque.

 Un reportage de la télévision brésilienne sur le Festival Folclórico de Parintins

Vous êtes "ambassadeur culturel de l'état d'Amazonas" en France. A quoi correspond ce titre ?

Rosivaldo Cordeiro : Depuis 2016, je suis installé en France, d’abord à Paris et actuellement dans la ville de Nemours. Je développe un projet multiculturel franco-brésilien appelé « ConnexionArt », qui me permet d’entraîner tous les 2 ans des artistes français à Manaus. Leur semaine de résidence artistique est l’occasion d’un échange d’expériences entre artistes brésiliens et français. Après l’opération de 2018, j'ai reçu ce titre de la part de l'Assemblée législative de l'État d'Amazonas avec une grande fierté et un grand respect. Je suis fier de faire progresser la vie culturelle de mon État et de pouvoir en être le porte-parole et le représentant en France et en Europe.

 

Rosivaldo Cordeiro en duo avec la flûtiste Amarande Laffon

La compilation "L'Amazone" relie les musiques urbaines nées à Belem ou à Manaus aux chants amérindiens, aux cumbias péruviennes et aux huaynos des hauts-plateaux andins. Le fleuve est-il réellement un espace d'échanges culturels entre tous ces peuples ?

Lorsque j’ai été invité par François à participer à cette compilation, j’ai pu proposer quelques noms d’artistes. Je crois que notre fleuve, que je trouve mystique et merveilleux, sert de fil conducteur entre de nombreux peuples et qu’il charrie une grande richesse historique et culturelle que les grands centres doivent découvrir.

La chanteuse amérindienne Djuena Tikuna, présente en France pour le lancement de la compilation « L’Amazone » (le 9 novembre aux Trois Baudets, Paris)

 

 Distribution : PIAS