La chanson de la semaine
Jean-Pierre Bruneau
C’est bien sûr la « Chanson des Mardi Gras » un air traditionnel français qui a fait l’objet de profondes mutations musicales et linguistiques à travers le temps et l’espace.
Mardi-Gras (mardi 16 février en 2021) est jour férié en Louisiane et, en total contraste avec les défilés urbains de carnaval, les communautés rurales francophones perpétuent, les jours précédant le carême, une fête de la quémande, masquée et déguisée, passablement débridée et héritée de traditions catholiques de la France médiévale.
Tous les groupes de musique cajun ont à leur répertoire cette « Chanson des Mardi Gras » qui accompagne les célébrations villageoises et dont voici la première version discographique enregistrée en Louisiane dans les années 60 par les frères Balfa avec Nathan Abshire :
Les Mardi Gras s’en vient de l’Angleterre
Tourne, tourne autour du moyeu
Ca passe une fois par an
Demander la charité
Quand même c’est une ’tite poule maigre
Des cotons pour ton maïs
Les Mardi Gras c’est pas des malfaiteurs
C’est juste des chomandeurs (quémandeurs)
Capitaine Sosthéne demande
Oui au maitre et la maitresse
La permission d’entrer
Pour demander la charité…
Au Canada francophone où l’on lorgne de plus en plus vers la Louisiane comme source d’inspiration musicale, cette chanson a fait l’objet d’un étonnante version de la part d’un musicien pop né à Kinshasa (Congo), Pierre Kwenders qui sur son album de 2017 « Le dernier empereur bantou », la chante en lingala :
Le Mardi Gras eye mbangu mbangu
Tuna Tata Dumorier
Ako yebisa yo Mokolo
Yango eye Ata otuni ye
Akoloba seko yango
Pierre Kwenders y fait intervenir le plus célèbre rappeur du Nouvelle-Ecosse, l’Acadien Jacobus qui déverse son « flow » en Chiac, dialecte hybride « impur » populaire chez les jeunes acadiens qui mélange syntaxe française avec du vocabulaire et des expressions anglaises.
Drive ma flotte
J’suis sur la rue Main à Mardi Gras
Comme mercredi maigre
J’suis sur mon prepaid
Mon cellulaire de pépère
C’est ça j’ai dit à Mémère
Moi j’suis sur mon Mardi Gras trip
Et maintenant, retour aux sources d’un air qui aura beaucoup voyagé. L’ethno-musicologue et chanteur français Marc Robine (1950-2003) en avait retranscrit l’une des versions d’origine, datant de la Renaissance, interprétée ici par l’ensemble Pastourel qui affectionne les costumes d’époque et fait reprendre en choeur à nos contemporains :
Chapeau de papier pour brûler Mardi Gras
Chapeau de papier pour dire que tu t’en vas…