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Des mondes de musiques

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Jacques Lanfranchi et Jean-Michel Péru 

Quand la passion a de grandes oreilles

Interview et photos : Philippe Krümm

Ils sont aujourd’hui deux retraités, mais pas du trad, car ils pilotent avec énergie et passion depuis 20 ans, comme producteurs, un label original qui permet de découvrir des musiciens et d’entendre sonner des instruments façonnés par les luthier(e)s. Cette maison de disques c’est l’AEPEM, (Association d’Étude, la Promotion et l’Enseignement des Musiques Traditionnelles des Pays de France). 

Jean-Michel Péru & Jacques Lanfranchi

Rencontre avec deux patrons de Label heureux : L’AEPEM pourquoi et quand avez-vous créé cette structure ?

Jean Michel Péru & Jacques Lanfranchi ensemble : Nous avons commencé il y a 20 ans, en 2004.

J.M.P. : Pourquoi ? Ce doit être au moins la 77ème fois qu'on nous pose la question. Parce j’avais ce projet !

Et Jacques a embarqué dans ma folie qui était d'enregistrer l'intégralité des bourrées à deux et à trois temps publiées par Jean-Baptiste Bouillet dans son livre : Album auvergnat. Bourrées, montagnardes, chansons, noëls et poèmes en patois d'Auvergne, illustré de gravures représentant des danses et scènes villageoises, où se trouvent reproduits les costumes les plus remarquables du département du Puy-de-Dôme (1848 – 1853). L’idée était de jouer ces mélodies pour ce qu'elles sont, de se mettre au service de ces mélodies, c'est ce qu'on a fait. Je ne citerai ni noms, ni organismes, mais aujourd’hui je peux dire que personne n'a voulu produire ce projet.

On avait fait le disque. On l'avait enregistré, tout allait bien, avec le coup de main de quelques copains. Il faut dire qu’au départ nous étions un trio avec Philippe Suzanne (1951/2014). Il y a des musiciens qui avaient participé, comme Gilles Poutoux, Julien Barbance... ou Sylvie Berger qui était venue pousser la chansonnette sur une piste.

J.L. : Le CD était tellement bien qu'il a même plu à Yvon Guilcher et à Bernard Blanc qui nous a écrit : « J'adore le Bouillet, j'en fais le même usage que du Bach ». Ce qui nous a beaucoup touché, tu peux imaginer ? On était très contents, très fiers, on en avait beaucoup bavé pour le réaliser.

J.M.P. : C'était la première fois de ma vie que j'enregistrais.

Personne ne voulant le produire, on s'est dit « On va faire une autoproduction » puisque Jacques assurait l'enregistrement, j'assurais les textes. Je ne sais pas si je vais le dire, ça sera coupé au montage, (rire) j’ai fait la maquette alors que je n'y connaissais strictement rien. Ça nous a coûté que les frais de pressage. On avait l'espérance, peut-être un peu folle, qu'il soit remboursé. On a fondé une association pour gérer les rentrées d’argent (rires) : A.E.P.E.M.  À propos du nom de l’association, j’avais beaucoup réfléchi, là je tire la couverture, mais c'est vrai, le nom vient de moi. Il y a une raison, on créait l'association, on ne savait pas tout ce qu'on allait y mettre comme activités. On a l’enseignement, la promotion, l’étude ... autour des musiques traditionnelles. Il y a tout dans le titre. Parce que l'étude, on était déjà bien parti. Promotion, parce qu'on avait fait un disque.

Mais d'entrée de jeu, c'était zéro subvention. Je sortais d'une expérience professionnelle associative dépendant à 100% de la subvention d'une mairie. Je savais trop la galère que c'était. Finalement ce CD a suffisamment bien marché pour que les frais de pressage soient remboursés, nous permettant de réaliser un rêve de Jacques, qui est un infatigable promoteur des cornemuses en Île-de-France. Il avait son festival, ses rencontres de cornemuses, mais elles avaient disparu suite à un changement de municipalité.

Il avait envie d'enregistrer des cornemuses, de retrouver l'ambiance de ses rencontres. Ça a donné une édition qui s'appelle, avec ton autorisation cher Philippe, « Paris Centre », qui avait été le nom de ton groupe, sous-titré : « Cornemuses en Île-de-France » ... ce disque aussi a très bien fonctionné.

J.L. : Après la troisième production, je pense qu'on a édité notre groupe, ça doit être Carré d'Auvergne, je ne sais pas si c'est nous ou Carré de deux.

Carré d'Auvergne vient après, il y a eu aussi rapidement Philippe Randonneix. Après Julien Barbance est venu voir Jean-Michel : « Je voudrais enregistrer sur votre label » Jean-Michel lui a répondu « C'est quoi un label » ?

Philippe Randonneix

J.M.P. : Je ne savais pas ce que ça voulait dire, vraiment ! Je connaissais des maisons de disques, mais pas le mot « label ». Je ne fais pas partie du milieu des musiciens. Donc le label est parti avec le groupe la Machine. Le premier jour de vente : 100 CD en 15 min. Comme j'avais dit à Jean-Luc Matte : « Nous ne sommes pas habitués au succès ».

J.L. : On en est maintenant à notre 91e production, avec 289 artistes, musiciens, musiciennes, chanteuses, chanteurs ... On est devenu un peu des producteurs à l'insu de notre plein gré, parce que les associations, les sociétés, les gens qui produisaient des CD ont aujourd’hui quasiment tous boutiques closes alors les musiciens se sont tournés vers nous.

J.M.P. : Notre ligne éditoriale correspondait à une demande. Cela se fait plutôt sous une forme de Coopérative d'Autoproduction. Chaque disque a son histoire propre. Ce n'est pas du tout la forme légale de l'association, on n'est pas une Coopérative, mais on fonctionne comme si on était une Coopérative.

Un mot quand même sur la ligne éditoriale ?

J.M.P. : C’était de mettre d'excellents musiciens et musiciennes au service de cette musique, et non pas de prendre cette musique pour se mettre au service d’un talent. On correspondait à l’attente des musiciens et d’un certain public.

J.L. : Jean-Michel a oublié de dire, qu'il a monté une bibliothèque musicale en ligne, il y a 10 500 titres. Ce sont des collectages écrits, dont les bouquins datant des 19e et 20e siècles ne sont plus trouvables. Un jour les camarades du Morvan nous ont dit, « Nous avons tout le travail d’Achille Millien saisi, vous ne pouvez pas le mettre en ligne ? » La bibliothèque musicale était née, on a 10 500 mélodies qui sont à la disposition de tout le monde en accès gratuit.

Connaissez-vous la fréquentation de votre site ?

J.M.P. : Ça fait longtemps que je n'ai plus accès aux stats, parce que je ne sais pas, je n'ai pas suivi le progrès. Au minimum on doit avoir 30 à 40 visites par jour. Des gens comme Fredo Paris, par exemple, n'utilisent plus les bouquins. Il m'a dit : « je vais directement sur votre bibliothèque ». Dès qu'il y a un problème sur le site, on le sait grâce à Beline Girardon, parce qu'elle s'en sert beaucoup avec ses élèves.

Une nouveauté à venir ?

J.M.P. : On met la dernière main à la publication d'une bibliographie de recherche, qui est la somme des bibliographies publiées par Arnold Van Gennep, par Patrice Coirault et tous les ouvrages cités dans les écrits de Jean-Michel Guilcher. Une bibliographie de tout ce qui peut contenir des mélodies, autour de la chanson, de la musique à danser, des Noëls, etc. Il y aura toutes les notices de la Bibliothèque Nationale, quand elles existent, et les liens vers les livres, quand ils sont numérisés. Pour la mise en ligne... Je vais dire 2025. En espérant que ce soit pour 2024.

 Jacques Lanfranchi & Jean-Michel Péru

J.L. : Dernière information importante : comme nous sommes très vieux, on est en train de passer la main à une équipe d’avenir. Nous nous sommes posé la question d'arrêter les productions. Mais on s'est dit que c'était dommage vu l’important travail effectué depuis 20 ans par deux bénévoles. (Rires) On a donc proposé de prendre notre suite à des jeunes passionnés qui avaient enregistré avec nous et qui avaient la même orientation musicale que nous. Ils sont cinq : Arnaud Bibonne, Amaury Babault, Virgilia Gacoin, Lucien Pillot, Joanny Nioulou. Il faut ajouter Pierre Beauguitte, qui est membre du bureau à distance vu qu'il est installé en Norvège.

Arnaud Bibonne

Derniers disques parus ?

J.L. : Dans les 5 derniers, nous avons un disque de violon normand : Etienne Lagrange. On est très contents d'avoir une nouvelle province. C’est en coproduction avec la Loure  Dans notre collection soliste : un.e musicien.e, un instrument, un répertoire, vient de paraitre : Cédric Bachèlerie -cabrette, musique du Livradois. Première fois qu'il enregistre.

J.M.P. : Qu'il fait deux disques ! Parce qu'il est aussi sur Ati Me Care avec Thomas Restouin, Guillaume Bouteloup. Un enregistrement lors d’un bal à la Grange de Duminiac en Haute-Loire. Pour la collection Roulez Jeunesse nous avons Duo des Cimes avec Anaïs Pérrinel et Naël Tripoli. Deux jeunes musiciens exceptionnels. Ils font de la musique de Gascogne. Et un autre CD avec des un peu moins jeunes (rires) mais néanmoins dynamiques, le groupe Traucanèu avec Tiennet Simonin, Camille Raibaud, Anne-Lise Foy.

Traucanèu : Camille Raibaud, Anne-Lise Foy, Tiennet Simonin.  

Les prochaines parutions ?

J.M.P. : On n'en parle jamais parce que l’on a déjà annoncé des productions qui ne se sont pas faites.

J.L. : Mais quand l'enregistrement de l’interview sera coupé je t'en dirais un quand même.

https://www.aepem.com/