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Des mondes de musiques

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Gabriel Yacoub

Etienne Bours

Nous sommes nombreux à saluer cet immense artiste, nombreux à le pleurer.

 

Gabriel Yacoub - Photo Raphaël Rinaldi 

Gabriel illustrait parfaitement ce que j’ai toujours appelé le triple plaisir de celui qui est journaliste ou transmetteur dans le domaine des musiques. Le premier plaisir vient lorsque vous découvrez un chanteur ou musicien et que son talent vous emporte. Le second plaisir peut surgir si vous avez la chance de rencontrer cet artiste et si la rencontre répond à vos attentes – ce n’est pas nécessairement le cas. Le troisième plaisir est celui de pouvoir continuer une relation, présenter ce musicien à d’autres, insister sur le talent et l’humanité du personnage. Tous ces plaisirs m’ont été donnés avec Gabriel Yacoub. L’homme était accessible, parlait volontiers, ne se prenait pas la tête et acceptait les difficultés et aléas que pouvaient présenter certaines organisations de concerts. Je garderai à jamais le souvenir d’un homme sincère et prêt au partage. Quant à sa carrière, elle est exemplaire et je n’aurai pas la prétention de tout rappeler ici. Il me prend simplement l’envie de le saluer.

Il faudrait écrire un livre pour lui rendre hommage, même si Arnaud Choutet a déjà écrit un livre sur Malicorne. On a parlé des hootenannies sur 5planètes il y a belle lurette. Gabriel en était, avec son banjo et sa guitare, avec sa connaissance des répertoires américains. Il a, faut-il le rappeler, repris les mêmes instruments pour accompagner Stivell au début de leurs carrières.

Il a sorti un album incontournable, d’une beauté étonnante, lorsqu’il a concocté Pierre de Grenoble, disque et rassemblement de musiciens précurseurs de Malicorne. Lequel Malicorne restera une balise essentielle de l’histoire du folk en France. C’est là qu’on a découvert que Gabriel était un styliste. C’est-à-dire un artiste qui ne se contente pas de reprendre de vieilles chansons traditionnelles de façon proprette et gentille mais qui y insufflait une démarche, une recherche et un vrai style.

Il citait d’ailleurs volontiers Martin Carthy et les Watersons parmi ses influences  anglaises. Rien d’étonnant quand on pense au style que Carthy a lui-même créé. Et quand Gabriel arrangeait des chants a capella pour Malicorne, il s’inspirait peut-être des Watersons mais il savait aussi qu’il jouait dans un tout autre registre et qu’il devait créer un style propre qui se rapproche des polyphonies plutôt que du simple partage de voix d’une famille issue de la communauté des Travellers anglais et chantant un répertoire quasi familial. Mais Malicorne fut aussi un groupe d’expérience qui a tenté d’évoluer, de ne jamais resté figé dans une esthétique définie. Le groupe finira néanmoins par se dissoudre laissant Gabriel tenter d’autres routes. Je ne vais pas faire de l’histoire détaillée, je veux juste rendre hommage. Je retiens d’abord ces années où Gabriel arpentait les scènes américaines avec la chanteuse Niki Matheson.

Ces moments de compositions et d’écritures de chansons d’une poésie rare, de concerts ouverts, d’hommages engagés à d’autres artistes (il chanta Biko de Peter Gabriel en 1988 en Belgique), sa manière délicate de nous amener de bons musiciens et de bonnes chanteuses – je pense à Gilles Chabenat, Sylvie Berger… Suivre les œuvres de Gabriel c’était s’engager sur des chemins de surprises, de découvertes, d’enchantement. C’était découvrir Joan Baez et Maxime Leforestier chantant Les choses les plus simples. C’était revenir à ce chanteur, auteur, compositeur qui avait compris la tradition et la composition poétique et ce qui, depuis la nuit des temps, les relie. En revenir à lui, toujours, et sans jamais s’en lasser parce que ses textes regorgent de surprises enfouies, mais sans jamais quitter cette sorte de simplicité tapie derrière des images que l’on croit chargées de mystère.

2010 - Gabriel Yacoub, Hughes de Courson (et son cromorne), Marie Sauvet (de gauche à droite, debout), Laurent Vercambre (ici avec son nyckelharpa) et Olivier Kowalski, réunis pour la première fois depuis 29 ans. Crédit photo : Leoty Xavier

 

Merci Gabriel : « on se souviendra des choses les plus simples, les choses qu’on a dit ne jamais oublier » et on ne t’oubliera jamais.