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Des mondes de musiques

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« Freedom is just another word for nothing left to lose”

Etienne Bours

Il fallait avoir une inspiration magnifique pour écrire une aussi belle phrase à propos de la liberté.

Kris Kristofferson nous laisse là une chanson immortelle : Me and Bobby McGee. Cet excellent chanteur et acteur vient de nous quitter à 88 ans après une vie bien remplie. On ne verra plus sa belle gueule, on n’entendra plus sa belle voix. Mais une seule chanson devrait suffire pour lui maintenir une place au firmament des auteurs compositeurs interprètes. Ce qui est étonnant d’ailleurs c’est que cette chanson fut rendue célèbre d’abord et avant tout par la version qu’enregistra Janis Joplin juste avant sa mort. Au point que beaucoup ignorent qui en fut l’auteur. Et pourtant, quel superbe hommage à une certaine errance typiquement américaine. De Guthrie à Steinbeck, de Kerouac à Ferlinghetti, de London à Dylan…, la route et sa liberté ont été évoquées, chantées, poétisées. Kristofferson n’a rien à envier à ses comparses. Nous dire que la liberté est peut-être une autre manière de dire qu’on n’a plus rien à perdre, nous dire que rien ça ne vaut rien mais que c’est gratuit… c’est nous chanter la vie, le rêve et la désillusion en quelques mots, en quelques notes.

Une page d’existence. On vous dira qu’il n’est pas le seul auteur de la chanson. Fred Foster lui a donné une idée et Kris a écrit le texte. On vous dira : oui mais ce chanteur n’est jamais qu’un chanteur country ! Oui mais encore. Qu’est-ce qu’un chanteur country ? Surtout quand on sait que notre homme avait créé le groupe The Highwaymen avec Johnny Cash, Willie Nelson et Waylon Jennings et que les quatre étaient des figures de proue du mouvement outlaw dissident du sacro-saint Nashville Sound. Un mouvement qui ouvrait la voie à d’autres grands chanteurs comme Billy Joe Shaver, Jerry Jeff Walker et sans doute tous ces chanteurs texans qui ont imposé autant de personnalités que de répertoires originaux : Steve Earle, Joe Ely, Townes Van Zandt, Jimmy Dale Gilmore, etc. Aujourd’hui, des quatre Highwaymen, seul Willie Nelson est encore de ce monde. Par contre, il n’est jamais trop tard pour les écouter et pour en revenir à la base d’un mouvement essentiel que je considère comme une page importante de la chanson américaine, toutes tendances confondues. Ajoutons aussi que cette remarquable chanson de Kristofferson a connu de très nombreuses versions. A commencer par la sienne. Et qu’il ne faudrait pas se limiter à celle de Joplin aussi fulgurante soit-elle. Je pense à Arlo Guthrie, Joan Baez, Johnny Cash, au Grateful Dead, à Gordon Lightfoot… Mais il y en eut tant d’autres : de Jerry Lee Lewis à Nana Mouskouri en passant par Eddy Mitchell !

Et puis, question d’ajouter à ce clin d’œil un clin de l’autre œil aussi en hommage à ce grand artiste, je me souviens qu’en 2012 Kris Kristofferson a sorti un disque dont le titre était Feeling mortal avec une chanson éponyme qui disait :

« Wide awake and feeling mortal

At this moment in the dream

that old man there in the mirror

and my shaky self-esteem

Here today and gone tomorrow

That’s the way it got to be… ».

Douze ans et quelques albums plus tard, cette belle voix s’est éteinte. Mais ses chansons demeurent.