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Des mondes de musiques

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Ethnotest

Un trop grand homme

Epistemologix

Gulliver était un homme cultivé du Siècle de Lumières.

 

Il avait travaillé la flûte en France avec Buffardin, étudié le contrepoint en Italie, joué devant ce souverain éclairé qu’était Fréderic II. Il avait entretenu une correspondance avec Voltaire, Diderot, d’Alembert et ses écrits sur Chardin lui avaient valu une estime générale. Très demandé dans les salons, il s’y montrait brillant causeur, mais aussi beau danseur, au point d’être un peu jalousé par Vestris, Duport, Dupaty ou Trénitz. Et comme il était bel homme, sa stature élancée et son habileté à la paume lui avaient valu de nombreux succès féminins, dont il avait le bon goût de ne point faire état – d’autres s’en chargeaient à sa place, lui prêtant mainte conquête qu’il n’avait pas faite et lui faisant grief de celles qu’ils auraient aimé faire eux-mêmes. Gulliver pour sa part respectait les femmes, les considérant comme ses égales et se réjouissant de les trouver différentes.

Comme beaucoup d’intellectuels cultivés du XVIIIe siècle, Gulliver était curieux de ce qui se passait en dehors de chez lui. Il voulait savoir comment les étrangers vivaient et comment ils nous voyaient. C’est-à-dire qu’il voyageait beaucoup, quittant les Perses pour découvrir les Hurons et s’instruisant ce faisant de la diversité des civilisations, qui sont autant de manières distinctes d’exister en tant qu’être humain. C’est au cours de l’un de ses voyages que Gulliver aborda à Lilliput, où il s’éveilla un beau matin ligoté par des nains. Tout autour de lui grouillaient des êtres d’aspect visqueux et gluant, qui gloussaient et ricanaient, tels une meute enivrée par l’odeur du sang et prête au lynchage du trop grand homme.

Gulliver n’avait dès lors le choix qu’entre trois attitudes :

La première, c’était de lutter pour se dégager des réseaux qui l’enserraient. Mais un tel combat l’aurait ravalé au niveau de ses assaillants. Il était trop grand pour cela.

La deuxième c’était de substituer le débat au combat et de tenter un dialogue susceptible d’éduquer ses agresseurs. Mais la pédagogie suppose des élèves désireux d’apprendre. Gulliver y renonça donc.

La dernière était d’attendre son salut de Jonathan Swift. Donc de la culture.

Ce fut son choix. Et c’est grâce à ce choix que le nom de Gulliver est parvenu jusqu’à nous. Alors que les patro-pseudonymes lilliputassiers n’ont laissé aucun souvenir chez personne.