Ethnotest
Notre Dame
Epistemologix
Notre-Dame est née sur un îlot, à l’écart de la cité. Mais bon, il y avait des ponts. Sauf que de l’autre côté des ponts, il n’y avait pas Notre-Dame.
Ce chef d’œuvre témoigne de la foi d’une époque disparue : le Moyen Âge. En ce temps-là, Macron s’appelait Louis VII. Les bâtisseurs travaillaient dur et le soir au fest noz, on voyait tournoyer les caroles, chantées par des voix jeunes. Mais le Moyen Âge, ça évolue et Notre Dame grandissait, arborant deux prolongements attractifs en attente d’une flèche. En ce temps-là, Macron s’appelait Saint Louis. Mais au fest noz, il y avait toujours les mêmes caroles, chantées par d’autres voix jeunes – car les voix jeunes d’autrefois étaient devenues vieilles entre temps.
Quand Macron a commencé à s’appeler Philippe VI, Notre Dame est devenue plus coquette et s’est laissée tenter par de la fanfreluche flamboyante. Le soir, ça carolait toujours dans la France d’en bas (comme dirait Raffarin), mais les gens qui comptent (comme dirait Télérama) se tournaient vers un art nouveau, plus élitiste, où s’illustrait un macho nommé Guillaume. C’est le moment où les gens qui comptent ont commencé à s’intéresser à la France d’en bas. On a vu rappliquer des collecteurs, qui ont consulté quelques informateurs cacochymes, tels Maurice de Sully, Pierre de Montreuil ou Pierre de Chelles. Voire Jean Ravy, dont les groupes folkloriques allaient faire un personnage emblématique de leur crèche.
Tous ces chercheurs ont voulu apporter leur pièce à l’édifice, recopiant par ci, s’inspirant par là et corrigeant ailleurs sans le dire. Les plus célèbres de ces tripatouilleurs anonymes sont Viollet-le-Duc et Lanza del Vasto. Mais même si Notre-Dame avait cessé de se renouveler, le Moyen Âge continuait d’évoluer. Et dès que Macron s’est appelé Louis Philippe, on a jeté un regard rétrospectif et reconstructeur sur l’époque où il s’appelait Louis XI. On s’est enthousiasmé pour la grâce esméraldique de Notre-Dame et pour le caractère quasimodal de ces chants qui affrollaient l’inquisition des conservatoires.
Macron a fini par s’appeler Macron. Les caroles sont devenues des farandoles serpentines, chantées par des voix jeunes qui imitent celles des vieux et permettent de s’enlacer sur un podium ou de faire des gestes derrière un micro. Et Notre-Dame a cramé. Il y a bien toujours les deux prolongements attractifs, mais plus de flèche, dis-donc ! Alors on s’assemble en foule loin des sentiers battus (ce qui est un pléonasme), c’est-à-dire sur la place qui fut la sienne et s’intitule désormais place Jean-Paul II.
Du coup, il faut reconstruire la flèche. Et donc faire intervenir un revivalisme. Or dans un revivalisme, c’est connu, tout le monde n’est pas d’accord. D’un côté vous avez les nostalgiques passéistes, vieux croutons qui voudraient qu’on en revienne au statu quo ante. Autant dire au musée. Et de l’autre, vous avez des esprits plus jeunes, plus ouverts, qui estiment que Notre-Dame doit être de son temps. C’est-à-dire du nôtre. Car le Moyen Âge continue et est plus vivant que jamais. Ceux-là aimeraient bien une flèche en verre, avec un ascenseur à l’intérieur. Ou alors en dentelle métallique, avec un fast-food à chaque étage.
Macron tergiverse. Certes, il est en marche. Mais on ne sait pas vers quoi. S’il cède aux forces réactionnaires, on va dire qu’il est en marche arrière. Et pas assez macron-biotique s’il utilise des matériaux trop modernes. Sur les réseaux sociaux, les insultes répondent aux sarcasmes. Vous avez là face à face un général et un architecte. Donc deux forces antagonistes dont la résultante est nulle. Un architecte est a priori plus compétent en architecture qu’un général. Mais le général est plus gradé. Donc plus décoré. Donc plus décoratif. En tous cas, c’est l’architecte qui en prend pour son grade : le général lui enjoint de “fermer sa gueule“. Et là, voyez-vous, on en vient à se dire qu’aucun des deux n’est l’homme providentiel. On cherche un plan C. Le troisième homme. Dont le mérite serait en gros de n’être ni architecte, ni général.