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Des mondes de musiques

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Ethnotest

Coupez le son !

Epistemologix

Les sous-titres, c’est à double tranchant.

D’un côté, ils permettent de saisir ce que la bande son rend inintelligible – soit parce qu’elle est en langue étrangère, soit parce qu’elle est inaudiblement grommelée dans un français soucieux de se démarquer de toute diction théâtrale. Mais d’un autre côté, aussi longtemps que vous déchiffrez le sous-titre - qui s’affiche volontiers en blanc sur blanc – vous perdez de vue l’image. Autant lire un bouquin. Et autant se taper du muet là où au contraire vous regardez le film en VO sans lire les sous-titres.

Quand vous parvenez à lire sans cesser de regarder, vous constatez que le sous-titre dit souvent autre chose que la bande-son. Dans Cartouche, par exemple, Claudia Cardinale dit à Belmondo : « Je t’aime, Cartouche. » Et Belmondo répond : « Normal ! » J’ai vu le film en Allemagne. On entend : « Ich liebe dich, Cartouche. » Réponse de Bébel : « Das will ich aber hoffen ! » Sémantiquement, c’est acceptable. Mais visuellement, Belmondo continue à parler après que sa bouche se soit refermée. Ça fait ventriloque. Ça enrichit le personnage. Tant mieux.

Moi, je rêve d’un film parlant français et sous-titré en français. D’abord parce que je trouve que l’élocution des acteurs de cinéma tourne au borborygme. D’où la nécessité de sous-titres. Récemment je me matais un DVD pas univoque du tout. Et j’entendais ceci :

- Elle vient d’écorcher sa mère. Elle est maquée avec un aristo qui n’arrête pas de la ramoner. En tous cas, depuis qu’elle n’a plus l’occasion de pétasser son tas de margarine, elle est comme un bébé qui ne connaît plus personne à part les Davidson.

Un peu incertain, je me demande qui sont les Davidson et si « pétasser son tas de margarine » est une expression nouvelle que je ne connais pas. Heureusement, il y a les sous-titres. Et là, je lis :

- Elle vit encore chez sa mère. Elle est maquée avec un aristo qui n’arrête pas de la ramener. En tous cas, depuis qu’elle n’a plus l’occasion de potasser son Trad Magazine, elle est comme BB, qui ne connaît plus personne en Harley Davidson.

Mais le sous-titrage en français d’un film parlant français aurait un autre avantage : ça permettrait d’entendre le mec (ou la nana) tout en lisant ce qu’il (ou elle) pense en le disant. Parce que les gens disent souvent le contraire de ce qu’ils pensent. Par exemple, quand un politicien dit : « Je n’ai aucune ambition personnelle. » là, il faut du sous-titre. Ou quand un mec qui veut se taper une nana lui dit : « Je t’aime » ou quand un danseur de ballet contemporain vous dit qu’il adore la danse traditionnelle. Je refilerais bien cette idée à Bertolt Brecht, mais je ne pense pas qu’il soit encore en état de l’accueillir. Vous me direz : le Moyen-Age s’est complu dans la chanson de geste. D’accord, mais cela ne l’a pas empêché de joindre le geste à la parole. Enlevez le texte : qu’est-ce qu’il reste de la Chanson de la Roland ? Même pas le son du cor. Le récit en perd toute sa saveur. Sauf dans Guillaume d’Orange, mais là, comme le titre l’indique, c’est plutôt une chanson de zeste.

Notre revivalisme manque de sous-titres. Prenez la Bretagne : là où vous entendez « Brocéliande », il faut lire « Paimpont ». C’est le sous-titre qui dit vrai. En revanche, il ment quand il traduit « bonjour » par « demat », parce que ce mot n’a jamais existé en breton, langue qui ne dispose d’aucun terme pour dire « bonjour » - sauf éventuellement : « salut » ou « bonjour ». Là où l’on vous parle de Celtes, il faudrait du sous-titre. Et même désormais pour en dro, bourrée, rondeau. Quand on entend « tradition », il faut lire : « revivalisme ». Compétence se sous-titre : « notoriété », « mélodie » se lit « compo », « recherche », « Wikipédia ». Dans tous ces cas-là, on gagne à couper le son. Et à ouvrir l’œil. Mais bon, on peut toujours rêver. D’autant que le sous-titre a un grand inconvénient : il suppose qu’on sait lire. Raison pour laquelle sans doute tout le cinéma qu’on se fait est en V.O.