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Des mondes de musiques

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Ethnotest

Pour des raisons X ou Y

Epistemologix

En tant qu’homme, j’accepte sans aucun problème ma composante féminine.

 

Et j’acquiesce à ce qu’une femme peut avoir de masculin. Je ne vois que des avantages à cette complexité. Et je sais très bien que c’est l’histoire, à nos corps défendant, qui a enjuponné les femmes et pantalonné les hommes.

Pourtant – et je m’en accuse -, j’ai du mal à demander à une femme si elle s’appelle Gérard, à un homme s’il a nom Geneviève. Même si je ne les connais pas, ça me paraît d’emblée improbable. Mais nous sommes à une époque où la culture prend parfois la nature de vitesse. Pour faire le point, revenons au point mort. En cas d’asphyxie, il sera toujours temps de laisser ce point de côté.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que dès le départ, l’être humain est né d’un lapsus du Verbe créateur – car même Dieu a droit à l’erreur, du fait qu’il s’est fabriqué à l’image de l’homme. Adam, c’était un mec comme vous et moi – non, pas comme toi, ma chérie -, tranquille, autonome, loyal. Le premier soir venu, le gars va se coucher sans songer à mâle et au réveil, toc, il lui manque une côte et à la place, il y a une pomme-pomme girl qui vient lui faire la danse du ventre, ondulant des hanches dans nos campagnes. Et depuis qu’il y eut ce soir et ce matin-là, on se retrouve avec une pomme d’Adam en travers de la gorge, nous les mecs – non, pas toi, ma chérie. L’être humain s’était dédoublé, voilà qu’il était deux et ça lui donnait une sacrée équation à résoudre, avec du XY d’un côté, du XX de l’autre. Le paradis devenait de plus en plus terrestre.

Mais comme il faut que Genèse se passe, on a découvert qu’une équation, ça se résout. Il suffit de balancer du X et du Y de part et d’autre d’un signe égal et on cesse de lire le monde comme un palimpsexe, avec ses genres, ses accords et son orthographe exclusive. On inclut désormais et l’être humain devient être humain/e. Exeunt l’exclusion, la discrimination, l’altérité aliénante. 1+1=1, et on ne comprend plus du tout pourquoi certains/aines, à travail égal, sont payés plus que d’autres, alors que rien ne les distingue. Car on ne dit plus Adam et Eve, on dit Adam/e. C’est plus difficile à prononcer, mais on ne prononce pas, on est entré dans les logiques de l’oral bol et de l’écriture. Inclusive.

La philologie – non, ma chérie, pas la “file au logis“ – est là pour nous rappeler que le mot dame vient de Adam. Vous dites ? Les transgenres ? Eh bien rien n’empêche un soldat de jouer la sentinelle ! On peut être sage-femme avec un Y dans les bourses (en attendant qu’une sage-femme devienne sage-homme).

Du coup, le féminisme n’a plus aucune raison d’être et c’est tout bénef. Car il n’y a plus nulle part de différence à écouter. Le père et la mère, c’est parent un et parent deux – sauf que le deux n’est toujours pas le un ; même pas le un/e. Les deux époux ne font qu’un, mais on ne sait pas lequel. Car ils portent tous deux la culotte et les coureurs de jupons se recyclent dans le boxer. Exemples : les obsédés sexuels d’antan équilibraient animateur par animatrice, docteur par doctoresse, entraîneur par entraîneuse. Terminé, tout ça. Les libérés bon genre nous gratifient d’animateures, de docteures, d’entraîneures. C’est plus égalitaire. Mais moins différentiel. Et personne n’a l’air de voir que ces néologismes adaptés du masculin reviennent un fois de plus à tirer Eve d’une côte d’Adam. C’est-à-dire que le féminin n’est qu’un ersatz du masculin. La femelle devient un moindre mâle.

Quel rapport avec le trad ? Eh bien prenez la danse. Dans le fisel, par exemple, il y avait un style masculin, avec amples replis de jambes, le pied venant vous botter les fesses. Les femmes, pendant ce temps-là, en restaient strictement au pas de la dans tro, glissé au ras du sol. Or voilà que le revivalisme est intervenu pour faire des danseuses des danseures. On prescrit aux femmes d’esquisser les replis de jambes masculins. Mais en moins ample, voyez ? En moindre mâles. Et je ne vous parle pas des Highland dances : sous un kilt, cherchez pas, y a du Darjeeling, de l’Etam, de l’Orcanta. Jamais du boxer ou du slip. Ou alors, du/de la boxer/e, du/de la slip/e, du/de la calebard/e.

Ce qui me chagrine là-dedans – je vais être franc avec vous -, c’est qu’on perd des choses. Car la danse féminine traditionnelle avait une qualité propre, une esthétique irremplaçable, qu’on a occultées sans même les apercevoir. Comme si ça n’avait pas d’intérêt. Comme si seul le masculin avait de la valeur. Comme si les façons de faire pouvaient remplacer les manières d’être. Comme si la danse congédiait la vie. La danse revivaliste est asexuée. Et ce n’est pas en lui parachutant des coups de cul dans le circassien qu’on y remédie. Car le coup de cul n’est féminin que dans l’imagerie macho. Alors que la danse traditionnelle exaltait à la fois ce qu’il y a de viril en l’homme et ce qu’il y a de féminin dans la femme. La manifestation de cette différence est certes culturelle. Mais la différence existe, qu’on s’en réjouisse (c’est mon cas) ou non (est-ce le vôtre ?).

Et la danse féminine, du coup, n’avait rien à envier à la masculine. Elle n’était pas moindre, elle était autre. Délibérément et jubilatoirement. Elle était une alternative, à travers laquelle la danseuse exultait d’être une femme. Plutôt qu’un garçon manqué.