Ethnotest
Le bal des immortels
Epistemologix
C’était dans l’Olympe l’usage
Que Jupin y donnait un bal
Ouvert aux danseurs de tout âge
Et de statut très inégal.
Car chacun a le droit, en ces lieux de partage,
De trouver son plaisir, qu’il danse bien ou mal.
Or certain fat, à ce que l’on rapporte,
S’estimant à tous supérieur,
Pour montrer son talent vint frapper à la porte,
Criant : - holà ! ouvrez ! car je suis le meilleur.
Le portier de l’Olympe aussitôt lui demande :
- Etes-vous d’Athènes, la grande ?
- Certes, dit-il, on m’y connait fort bien
Et les gens de là-bas proclament que je brille
Dans la bourrée autant qu’au cercle circassien.
On m’applaudit dans le quadrille,
Je sais conduire le rondeau
Et – dit sans me vanter – je touche fort ma bille
Pour assurer au fandango.
Bref, le godelureau complaisamment pérore,
Nous narre ses exploits, se gonfle du jabot
Et s’en va sans mollir inviter Terpsichore.
- Si d’aventure, lui dit-il,
Quelque danse devait t’être peu familière,
Pas de souci, pas de péril,
Je connais l’art et la manière,
Tu n’as qu’à t’en remettre à moi.
De tes pas incertains mon savoir te délivre,
Car du bal trad je suis le roi.
Je saurai te guider, tu n’auras qu’à me suivre.
La muse l’écoutait sans répondre un seul mot.
Hélas, notre Narcisse s’aperçut bientôt
Du niveau de sa partenaire
Et que les immortels avaient un savoir-faire
Très au-dessus de son ego.
- Voilà, dit-il, un bal un peu trop élitiste,
Où mon génie est méconnu !
Il m’a suffi d’un tour de piste
Pour regretter d’être venu.
Lors s’en alla notre lampiste
Et nul ne l’a jamais revu.
Entendez bien, danseurs, la morale du conte :
On doit juger autrui, non sur ce qu’il raconte,
Mais sur ce qu’il nous donne à voir
Tel qui se croit divin est souvent loin du compte,
Qui se juche trop haut, d’autant lui faudra choir.