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Des mondes de musiques

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ETHNOTEST IIII

L'évolution traditionnelle de la bourrée

Epistémologix

De longues recherches, patientes, exigeantes et rigoureuses nous ont révélé un fait historique majeur : la danse traditionnelle ne cesse d'évoluer. Reste à voir comment elle évolue et cela – je suis gêné de le dire -, ce sont mes enquêtes personnelles qui l'ont fait découvrir. Ma compétence est reconnue : je suis titulaire d'un CA, d'un DE, d'un DEA, d'un DES, je suis chargé de cours en ethnologie spéculative à l'université de Cuges-les-Bains, j'enseigne le yoga à Boston, la kinésiologie à Tokyo, la danse contemporaine partout et je dirige la collection Corps et matière, dont je suis le fondateur et l'unique auteur publié.

Mon exposé d'aujourd'hui portera sur l'évolution de la bourrée, danse dans laquelle je suis tombé dès l'enfance (Mes parents étaient originaires de Châteauroux) et sur laquelle j'ai conduit beaucoup d'enquêtes, qui m'ont valu le grand prix de choréologie transversale (que je suis seul à décerner).
L'histoire de la bourrée commence en 1970. C'est une danse de gauche (assez gauche, même), dont la saveur encore roots peut sembler un peu fruste. Les avant-deux et les croisements se font en sautant d'un pied sur l'autre, mains crispées sur les fessiers. On reconnaît là les vestiges d'une ancienne danse animalière, souvenir du temps où les ours avaient le Berry pour biotope principal (Châteauroux s'appelait alors Château d'ours). Le costume traditionnel est particulièrement seyant, longues robes roses, mauves et violettes pour les femmes, pantalons de velours côtelé pour les hommes, sabots ou Clarks pour les deux sexes (fig. 1).


La fin de l'époque glaciaire ayant entrainé le retrait des ours, la bourrée se délocalise vers les quais de Seine d'une part, en Bourbonnais d'autre part, au cours de l'ère dite du Gennetinien. Observons : les appuis sont ceux de la polka, les poings se détachent des fesses, permettant aux partenaires de se taper dans les mains quand ils se croisent (fg. 2), à moins qu'ils ne préfèrent se retourner l'un vers l'autre avant de poursuivre leur chemin – histoire de mémoriser au retour avec qui ils ont fait l'aller (fg. 3). Mais surtout, les avant-deux s'agrémentent d'une inclinaison du buste, qui atteste à la fois la féminité des filles et le féminisme des garçons. C'est extrêmement gracieux, même si le costume unisexe nous masque la raison d'être du geste (fg. 4).
A noter que l'éclosion du pas de polka permet désormais aux danseurs de quitter les sabots pour des Adidas, des Nike ou autres chaussures de sport à semelles compensantes, nous préfigurant déjà le stade évolutif suivant.
Le stade évolutif suivant apparaît au Freestylien. Longtemps engoncée dans des préceptes d'un autre âge – il faut mettre le pied ici et pas là, machin, on croise comme ci et pas comme ça, machin, faut connaître le pas pour danser, les figures c'est pas n'importe quoi, machin -, la danse s'en libère enfin et chacun fait ce qu'il veut quand il veut, accédant pour la première fois à une expression directe de son moi. Ou de son ego. On appelle ça l'agogique de la bourrée. Ce qui témoigne néanmoins de la pérennité de la tradition vivante, c'est que si libres et personnels que soient les choix de chacun, tous font exactement la même chose. Mais pas forcément en même temps (fg. 5).


Le Freestylien nous émancipe du folklore de papa, époussette dans l'entrain et la bonne humeur la poussière de la danse musée, s'accommode de tout vêtement et rend le geste disponible pour le stade ultime de toute évolution traditionnelle : le ballet contemporain.