Édito
Ode aux instruments et à leurs créateur·rice·s
En ouverture : le facteur de vielles , Jean-Claude Boudet - Photo Alice Forges - Jenzat 2023
Philippe Krümm & la FAMDT
"Sans les facteurs et les luthiers pas de musiciens. Sans les musiciens pas de luthiers et de facteurs. ".
Par Philippe Krümm et la FAMDT.
Ode aux instruments et à leurs créateur·rice·s.
Ode pour une lutherie «trad’» qui, de- puis son revivalisme dans les années 70 et encore de nos jours, reste largement ignorée. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire le seul passage qui concerne les musiques traditionnelles en 1980 dans La facture instrumentale française - rapport du ministre du Commerce et de l’Artisanat par Catherine Savouré.
« Dans le domaine des instruments traditionnels, il s’agit le plus souvent, en dehors de quelques vieux artisans détenteurs des derniers secrets de fabrication (vielle à roue, épinette des Vosges), de "néoartisans " ou d’artistes libres, non-inscrits au répertoire des métiers, dont il est impossible d’évaluer le nombre.»
Et de découvrir 42 ans plus tard, en décembre 2022, dans Le marché des instruments de musique en France — une enquête réalisée pour la CSFI (Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale) en partenariat avec le ministère de la Culture et le CNM (Centre National de la Musique) — qu’il n’y a pas un mot sur les luthier·ière·s et facteur·e.s d’instruments du domaine des musiques traditionnelles / du monde. Les instruments pris en compte sont : pianos et orgues, accordéons, instruments électroniques, instruments à vent (clarinettes, saxophones...), cordes pincées (guitares et harpes), batteries et percussions, DJ, équipement de studio/ home studio, cordes frottées (quatuor et contrebasse). On connaît Stradivarius pour ses violons, Pleyel pour ses pianos, mais qui connaît les Louvet ou Nigout, en matière de vielle à roue, ou les Costeroste et Béchonnet pour la cornemuse ? Alors imaginez, ce qu’il en est des noms de luthier·ière·s contemporain·e·s du domaine trad’! Pourtant ce sont ces artisans, à l’égal des luthier·ière·s du répertoire classique, qui ont fait évoluer les instruments, souvent à la demande des musicien·ne·s ou des envies et des souhaits de la société dans laquelle ils résonnent.
Au sein de l’univers des musiques traditionnelles et du monde, les instruments endossent des rôles multiples, tour à tour objets sonores, supports de revendications ou d’identification, médias intimes, marqueurs d’appartenances... Au cours des dernières décennies, nos représentations de la diversité́ de ces instruments ont beaucoup évolué. Mais connais- sons-nous toujours les différents instruments qui sont joués autour de nous et les personnes qui les font ? Que nous révèlent ces instruments en prise avec la création musicale des musicien·ne·s et les rapports territoriaux autour de ces objets ? Comment protéger, transmettre et mettre en valeur ces instruments et la richesse des savoir-faire qu’incarne la diversité des instruments de musiques des peuples du monde ?
Devant la toute-puissance médiatique d’un monde globalisé, les instruments de musique traditionnelle, d’ici et d’ailleurs, s’effacent. Derrière ces instruments, ce sont des techniques de fabrication, de jeu et surtout des sons qui s’évaporent discrètement mais sûrement, loin de nos préoccupations contemporaines et sans qu’aucun média ne s’en émeuve. Le souhait de cette Gazette, pour la FAMDT, est de rencontrer des luthier·ière·s et des facteur·e·s, découvrir et comprendre ceux qui façonnent les machines à sons des cultures du monde et mettre en perspective leur devenir... À suivre...
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Without musicians no makers. Without makers, no musicians.
Ode to instruments and their creators.
An ode to "trad" lutherie which, since its revival in the 70s and even today, remains largely ignored. To realize this, just read the only passage concerning traditional music in 1980 in La facture instrumentale française - rapport du ministre du Commerce et de l'Artisanat by Catherine Savouré.
"In the field of traditional instruments, apart from a few old craftsmen holding the last manufacturing secrets (hurdy-gurdy, Vosges spinet), it is most often a question of "neoartisans" or free artists, not registered in the trade directory, whose number it is impossible to estimate."
And to discover 42 years later, in December 2022, in Le marché des instruments de musique en France - a survey carried out for the CSFI (Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale) in partnership with the French Ministry of Culture and the CNM (Centre National de la Musique) - that there is not a word about luthier-ière-s and instrument makers in the field of traditional/world music. The instruments covered are : pianos and organs, accordions, electronic instruments, wind instruments (clarinets, saxophones, etc.), plucked strings (guitars and harps), drums and percussion, DJs, studio/home studio equipment, bowed strings (quartet and double bass). We know Stradivarius for violins, Pleyel for pianos, but who knows Louvet or Nigout for hurdy-gurdy, or Costeroste and Béchonnet for bagpipes? Just imagine the names of contemporary luthiers in the traditional field! Yet it is these craftsmen, just like the luthiers of the classical repertoire, who have made instruments evolve, often at the request of musicians or the desires and wishes of the society in which they resonate.
Within the world of traditional and world music, instruments take on multiple roles, in turn sound objects, supports for demands or identification, intimate media, markers of belonging... Over the last few decades, our understanding of the diversity of these instruments has evolved considerably. But do we still know about the different instruments played around us, and the people who make them? What do these instruments tell us about the musical creation of musicians and the territorial relationships surrounding these objects? How can we protect, transmit and promote these instruments and the wealth of know-how embodied in the diversity of musical instruments from the world's peoples?
Faced with the all-powerful media of a globalized world, traditional musical instruments from here and elsewhere are fading into the background. Behind these instruments are the techniques of making, playing and, above all, the sounds that are quietly but surely evaporating, far from our contemporary preoccupations and unnoticed by the media. The aim of this Gazette, for the FAMDT, is to meet luthiers and makers, to discover and understand those who shape the sound machines of the world's cultures, and to put their future into perspective... To be continued...