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Des mondes de musiques

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Des nouvelles du front…

Etienne Bours

C’est l’été et quel été !! Masqué, sans musique, sans chansons, sans concerts, sans festivals – pas même les petits, sans rencontres, sans découvertes.

Mais derrière les masques, les comportements de certains n’ont guère changé. Oh que nenni !

 

En vrac, quelques nouvelles glanées dans la presse à l’ouest de la France.

« Doux doit rembourser 80 millions d’euros d’aides indues » (Le Télégramme)

Chez Doux, on produisait (maintenant le groupe est absorbé par un plus grand consortium) quatre poulets (surgelés) par seconde et 22.000 œufs à l’heure. Bagatelle. Presque tout cela pour le marché du Moyen-Orient. Mais les poulets en question avaient une teneur en eau supérieure aux normes européennes. La firme touchait 400 euros par tonne de poulet (faites le compte, à quatre poulets la seconde) ; elle aurait donc touché indûment plus de 80 millions d’euros qu’elle est censée rembourser. Dois-je rappeler que les contribuables payent des impôts qui s’en vont alimenter les subventions européennes ?

Et pendant ce temps-là, que touchent les chanteurs et les musiciens mis au chômage par l’épidémie ? Et pourtant, à l’instar de Loudon Wainwright dans Career moves, ils aiment chanter, certes c’est pour le fric mais aussi pour le plaisir et ils s’étonnent qu’on vienne encore les applaudir.

 

France Télévision cherche un nouveau président. On lit que parmi les quelques candidats retenus, figure un certain Jean-Paul Philippot, carriériste bien connu en Belgique puisqu’il sévit à la tête de notre Radio Télévision RTBF depuis 18 ans. Le gaillard tente une percée en France. On se souvient qu’il a tournicoté autour d’un certain Macron ! Seulement voilà, il y a une petite casserole derrière ce monsieur : il aurait une rémunération trop élevée et les autorités wallonnes lui réclament un trop perçu de 60.000 euros (Le télégramme). (Entre-temps Delphine Ernotte est élue présidente Directrice Générale de France Télévisions pour un deuxième mandat. NDLR)

 

Et pendant ce temps-là, qui verse quoi que ce soit aux chanteurs et musiciens ?

Et à ceux qui chantent la différence ? Comme Violeta Parra le faisait dans Yo canto la diferencia :

« Je chante parce que j’ai quelque chose à dire

Je ne prends pas ma guitare pour me faire applaudir

Je chante la différence

Qu’il y a du vrai au faux

Je ne fais pas autre chose, je viens vous parler

D’une situation qui me tourmente… « 

 

 

Dick Gaughan, quant à lui, chante A different kind of love song. Il y explique qu’il n’est pas là pour chanter des chansons d’amour destinées à vous faire oublier le monde dans lequel nous vivons.

 

La gestion de Pôle Emploi est douteuse selon un rapport de la Cour des Comptes.

Première constatation amusante : « le temps de travail des salariés y est inférieure de 2,5% à la durée légale » (Ouest-France). Quand on pense que ces salariés passent une partie de leur temps à mettre en garde (engueuler, menacer ?) ceux qui sont sans emploi et qui rament comme ils peuvent à contre-courant ! Mais il y a mieux encore. Les cadres dirigeants ont des voitures de fonction, des salaires trop élevés (presque 10.000 euros brut par mois) et des primes de mobilité excessives. On vit bien à Pôle Emploi. Vive le chômage.

 

Et pendant ce temps-là, ils chôment tous les musiciens et les chanteurs mais pour quel montant ? Et pourtant, comme le chantait Pete Seeger : comment pourraient-ils arrêter de chanter (How can I keep from singing ?)

 

 

Cet été, les mêmes journaux ont consacré des pages entières aux grands festivals qui n’ont pas lieu. On ne parle évidemment que de ce qui attire la grande foule, avec des trémolos dans le vocabulaire et des élans nostalgiques dans les photos. Pas un ne met cet arrêt forcé à profit pour analyser notre goût morbide pour la foule, les rassemblements de masse, les mégas rendez-vous. Certes on s’est ému du nombre effarant de spectateurs au spectacle (tout aussi effarant) du Puy du Fou.

Mais pourquoi ne pas aller plus loin et se dire qu’il faudrait peut-être en finir avec cette folie des grandeurs. Remplacer cinq mastodontes par trente petits festivals avec de petites infrastructures et des artistes qui ne demandent pas un million d’euros – bye, bye Céline et Bruce… (et pourtant j’apprécie Bruce mais faut pas déconner quand même). Le nombre de spectateurs demeure encore et encore le critère absolu de réussite d’un événement, tant pour les organisateurs que pour les élus et, je le crains, pour maints spectateurs aussi.

N’avons-nous pas là un signal qui nous dit qu’on devrait peut-être changer la donne, redistribuer les cartes, répartir les rendez-vous avec les musiques d’une autre manière ? J’entends la réponse évidemment : « mais enfin mon vieux il faut donner au public ce qu’il désire ». Le magnifique refrain. Hier encore j’entendais sur une chaîne de télévision quelqu’un employer le mot « influenceur » - comment un mot pareil peut-il exister. Ce mot pue littéralement, il sent l’arnaque, le vol, la manipulation, le rapt…

Dans un article écrit en 2004 pour le Monde Diplomatique, Jean Ferrat se demandait pourquoi les Français écoutent Jean-Jacques Goldman. Le point de départ de sa recherche venait du fait que bien peu d’artistes de chanson française passaient en radio. Il donnait alors des chiffres publiés par Figaro Entreprise pour l’année 2002. J.J. Goldman comptabilisait 37.200 passages (plus de 100 par jour), de Palmas le suivait avec 28.700 passages et Obispo avec 14.800 passages – et ainsi de suite sachant que la politique des radios et des télévisions est de passer les mêmes titres pour fabriquer des tubes ; lesquels garantissent un meilleur taux d’écoute (le public finit par aimer ce qu’il entend sans cesse et ne prend pas le risque de changer de station). Qui dit bonne écoute, dit plus de pub et donc plus de profit. CQFD. Qui a cité le mot « influenceur » ? (cet article de Jean Ferrat est à nouveau disponible dans le numéro « Manière de Voir » du Monde Diplomatique consacré à Musique et Politique cet été -   CLIC  ).

Heureusement la France a une nouvelle ministre de la culture avec une grosse tête. Elle entend s’attaquer à la problématique des festivals et parle « d’irriguer les petites structures ». On t’attend au tournant Roselyne.

 

 

En attendant, les musiciens et les chanteurs se tournent les pouces, se demandent comment payer leurs dettes et parfois même comment nourrir leurs enfants.

 

Une fois n’est pas coutume, permettez-moi de terminer en rendant hommage à Peter Green ce formidable guitariste anglais qui vient de nous quitter. Il avait joué avec John Mayall, il avait fondé le premier Fleetwooc Mac, fleuron du fameux british blues. Il avait ensuite continué une carrière discrète mais efficace après divers problèmes de santé – il s’était distingué dans de très intéressantes interprétations du répertoire de Robert Johnson. Du temps où il était membre de Fleetwood Mac, il avait écrit une chanson assez dramatique : Man of the world.

 

Si la chanson ressemble plus à une ballade qu’à un blues c’est pourtant bien son spleen et son blues qu’il y met en paroles et en musique… Peter Green avait un sacré talent, il fut certainement un des meilleurs guitaristes anglais.