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Des mondes de musiques

 En lisant avec gourmandise les articles de 5planètes.com, vous pouvez écouter Canal Breizh, en cliquant sur le logo.

 

 

 

 

 

 

 

“C’est par la Différence, et dans le Divers, que s’exalte l’existence »

Victor Segalen 1878, Brest- 1919, Huelgoat

Etienne Bours

Et pourtant ! Non je ne vais pas vous refaire le coup du vieil emmerdeur qui, tous les étés, râle sur les grands festivals. Je vais me contenter de citer quelques « confrères » de la « grande presse » quotidienne. En vitesse, en vrac. Avec, quand même l’une ou l’autre remarque du vieil emmerdeur…

Festidreuz - photo DR 

« Trois jours et trois tonnes de frites. 25.000 visiteurs et autant de litres de bière, deux scènes pour 22 artistes et 600 bénévoles. Ces chiffres ? Un résumé plutôt concis de la 18è édition du Festidreuz » (Le Télégramme).

Sur le festival de Beauregard en Normandie :

« Près de 150.000 entrées déjà garanties en cinq jours, record absolu ». « Une fête de la musique XXL ». « The place to be ». « Carnage sonore sur méga dance floor ». « Beauregard, c’est deux scènes sur 23 ha pour quarante-et-un artistes et 140 stands cette année. L’équipe du festival est soutenue par 1.300 bénévoles, 150 prestataires, 220 agents de sécurité, 200 intermittents, 100 personnes pour la restauration. Le budget de plus de 8 millions d’euros est autofinancé à 98% ». (Ouest France)

 Festival Beauregard - Photo DR

Et je fais l’impasse sur les Vieilles Charrues qui ont eu, tous les jours, des tonnes de considérations du même tonneau avant, pendant et après le festival dans les deux canards cités.

Ah que c’est beau l’analyse musicale, la critique constructive ! J’ai lu bien peu de commentaires sur les prestations musicales. Il y en eut mais peu et rarement intéressants.

IZIA - Photo DR

Il semble que seuls les chiffres comptent. D’ailleurs Ouest France cite la chanteuse Izia qui dit, à propos de Beauregard : « j’adore ce festival à taille humaine ». Sachant que la jauge quotidienne était volontairement arrêtée à 30.000 personnes, on se dit : ouf ! oui on demeure dans une dimension humaine. Ben oui quoi. Un élevage intensif de poulets peut atteindre 40.000 bêtes serrées à plus de vingt par mètre carré. Pour le porc, les élevages espagnols de 5000 cochons se multiplient. Ce sont des humains qui font cela c’est donc aussi de dimension humaine. Ca va de soi. Alors dans un festival où les humains ont beaucoup plus de place pour se mouvoir, c’est le paradis, j’en conviens !

Un festival de poulets !!! - Photo DR 

N’empêche. Au même titre que Philippe Krümm dans son article « Et pourtant elle tourne », on se rend bien compte que les Mediaş ne parlent pas des musiques Trad’. « Principalement par méconnaissance » écrivait Philippe il y a peu. Évidemment mais aussi par manque total d’intérêt pour la chose ; c’est-à-dire pour la diversité. Parce que ce qui intéresse la presse c’est : gros événements, grandes fêtes, méga rassemblements, chiffres et encore chiffres avec le miroir des retombées économiques. Tiens, y en a quand même pas mal qui se plaignent du côté de Carhaix, y compris des commerçants qui ferment boutique pendant le festival – c’est les mêmes journaux qui le disent !  Et puis c’est tellement plus facile de citer des chiffres faramineux plutôt que d’essayer d’analyser, un tout petit peu, simplement, les programmations. Qui sont à peu près les mêmes partout ! On a pu voir une kyrielle d’artistes identiques dans un nombre effarant de festivals.

La globalisation, l’uniformisation des goûts. Il y a bien, ici et là, une petite scène avec des artistes à découvrir mais c’est bien peu souligné, c’est anodin, c’est marginal. Par exemple : la présence de Sylvain GirO aux Vieilles Charrues. Étouffé sous le reste…

Sylvain GirO - Photo DR

« Prenons garde que la méconnaissance de l’Histoire, de la géographie et des cultures de Bretagne ou d’ailleurs, soit mère de la dilution des singularités et de leur perte, dans les flots indomptés des globalisations en cours » écrit Jean-Michel Le Boulanger dans son « Manifeste pour une France de la diversité ». Tout est parfaitement résumé dans cette phrase.

Jean-Michel le Boulanger - Photo DR

Et, puisque j’ai cité Victor Segalen en titre de cet article, c’est avec un poème du même écrivain que je le terminerai.

Segalen à Nouméa - Photo DR

 

Poème de Victor Segalen extrait de son recueil Stèles (NRF/Gallimard) :

Conseils au bon voyageur

Ville au bout de la route et route prolongeant la ville : ne choisis donc pas l’une ou l’autre, mais l’une et l’autre bien alternées.

 Montagne encerclant ton regard le rabat et le contient que la plaine ronde libère. Aime à sauter roches et marches ; mais caresse les dalles où le pied pose bien à plat.

 Repose-toi du son dans le silence, et, du silence, daigne revenir au son. Seul si tu peux, si tu sais être seul, déverse-toi parfois jusqu’à la foule.

 Garde bien d’élire un asile. Ne crois pas à la vertu d’une vertu durable : romps-la de quelque forte épice qui brûle et morde et donne un goût même à la fadeur.

 Ainsi, sans arrêt ni faux pas, sans licol et sans étable, sans mérites ni peines, tu parviendras, non point, ami, au marais des joies immortelles,

 Mais aux remous pleins d’ivresses du grand fleuve Diversité.