34ème Victoires de la Musique 2019
Des mondes de musiques sans les musiques du monde
Philippe Krümm
L’annonce arrive enfin : Dans la catégorie Musiques du Monde Victoire 2019… Jubilation de Daphné Bürki, la serveuse de plats de cette soirée : Camélia Jordana !!!
Et là j’ai failli recracher mon kouign amann de la boulangerie Hervé à Pontrieux. C’est vous dire le choc. Le sommet du ridicule était atteint.
On est d’accord cette catégorie « Musiques du Monde » à certainement des contours un peu flous, mais qui peut me définir ceux du rock ou du jazz ? Et certains sont très content d’entretenir cette faiblesse avec des phrases du genre « Nous sommes tous des musiques du monde » Et nous voilà repartie dans de la sémantique du pauvre. Mais le jazz, le rap, l’électro et encore moins le classique ne se posent de questions sur l’intitulé et les contenus de leur catégorie.
Face à ce résultat des Victoires 2019, le "n’importe quoi" fait son entrée par la grande porte de la petite lucarne et c’est comme cela presque chaque année. On est proche de l’arnaque !
Il faut savoir qu’une technique consiste, si vous êtes dans le creux de la vague et certain de ne pas pouvoir avoir des Victoires : en artiste interprète ou comme album de chanson variété de l’année parce que les autres postulants sont trop « forts ».
Il vous reste à vous transformer en album de Musiques du Monde en creusant bien vos origines et il y aura bien un petit son d’instrument traditionnel quelque part sur un morceau…Comme imparable justification.
Oui les alibis : Gregory Dargent joue du oud sur un titre et Camélia Jordana a quelques paroles en langue vernaculaire sur un titre de son album.
Il faut savoir qu’il y a environ 650 votants repartis par collèges -les sociétés civiles, la Sacem, les grosses compagnies de disques…- Et qu’avec un peu de lobbying malin, les votes étant très dispersés, votre pouvoir de séduction peut réunir entre 50 et 100 voix sur votre artiste pour le vote final et cela suffit à faire passer votre concurrent en tête et obtenir une Victoire.
La maison de disque (SONY) et le staff de Camélia Jordana comprirent très vite que devant la concurrence la seule catégorie ou leur artiste pouvait exister ce serait celle des Musiques du monde. Et ils eurent une révélation qui tombait à pique « Mais oui, bien sur ! Elle fait de la Musique du Monde ». Le tour était joué.
Pourtant sur le net et les sites officielles même celui de Sony la classe en : pop/chanson et Variété française et la Fnac sur son site en Variété. Je serai curieux de voir son disque arriver dans les bacs Musiques du monde des grandes surfaces du disques (Enfin celles qui restent).
J’ai bon écouter les titres de LOST, l’album élu (Et je vous engage à le faire) comme : A girl like me, Gangster, Animal, Freestyle, Do not choose…
Je cherche toujours le véritable lien avec ce que l’on nomme Musiques du Monde. Mais visiblement pour ses producteurs et son staff nécessité fait loi.
"Gangster" titre "phare" de l'album LOST de Camélia Jordana
Quand à l’organisation des victoires ce n’est pas leur problème. Ce n’est pas elle qui vote. Elle se refugie derrière les résultats incontestables. (Puisqu’il y a un huissier qui compte les résultats !). Ce classement est celui des « professionnels de la professions », qui ont fait dans de nombreux cas, cadeaux de leurs votes à quelques camarades, souvent en échange d’une aide réciproque pour une autre catégorie. Petits arrangements entre amis de la musique.
Soyons clair et réaliste depuis le début des Victoires de la Musique, voilà plus de trente ans, cette catégorie est le lieu de sauvegarde de ceux qui ce seraient fait jeter dans les autres. Le jazz a obtenu ses Victoires, le classique évidemment aussi.
Mais les Musiques du Monde ne l’ont pas eu et sont devenues la catégorie fourre tout de cette commémoration qui malgré les efforts de réalisation de Morgane production reste un moment télévisuel sans fin au contenu contestable ?
Ah ah ah ! Comme je le dis toujours les Musiques du Monde sont une cause perdue.
Ce style de commémoration enterre un peu plus ce genre musical qui manque cruellement de puissance de feu pour imposer son image, les artistes et des répertoires issus des musiques des traditions des peuples du monde.
Quand on regarde les trois finalistes il est certain que les deux qui sont restés sur la touche : Fatoumata Diawara et Delgrès auraient illuminés la catégorie.
Mais à croire que Pias pour Delgrès n’a pas encore la puissance de feu nécessaire tout comme 3ème Bureau et Wagram Music pour Fatoumata Diawara. Dommage.
Fatoumata Diawara album “Fenfo”
Delgres album : “Mo Jodi”
https://www.franceinter.fr/personnes/camelia-jordana
La force des grandes maisons de disques, la préparation des auditeurs à la "consécration" : Rebecca Manzoni sur France Inter nous parle de Camélia Jordana dans un papier qui sent bon wikipedia et le dossier de presse de la maison de disque qui a bien fait son travail en nous préparant à l’évènement Camélia Jordana Reine des musiques du monde. Comment vous ne le saviez pas ? Normale vous n’êtes pas un spécialiste comme disait déjà, il y a fort longtemps Léo Ferret (Hop ! réécoutons donc le grand Léo, juste pour le plaisir )
Je n’ai évidement rien contre l’artiste Camélia Jordana.
Seule la Victoire est belle pour tenter de relancer une carrière en sommeil. « Nous sommes tous des musiques du monde ! Surtout quand ça nous arrange »
Pour plagier un journaliste il y a quelques années et beaucoup repris depuis, je conclurai ce 34ème « spectacle » en disant :
« Pour les Musiques du Monde ce ne sont pas des Victoires de la Musique mais une vraie défaite de la Musique». Une fois de plus !